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convenables, soit de la carthamine, soit du carmin, deux drogues, l’une d’origine végétale l’autre de nature animale, connues et employées depuis des siècles et qui du moins ne jouent par elles-même qu’un rôle absolument inoffensif.

On cultive en Égypte, dans le Levant, et en Espagne le « carthame » ou « safran bâtard, » Carthamus tinctorius des botanistes. Lorsque, les pétales de ses fleurs étant convenablement écrasés, on les traite par l’eau pure, le liquide se charge d’un principe colorant jaune dont tout d’abord on se débarrasse. La bouillie résiduelle est ensuite mise à macérer avec une lessive faible de carbonate de soude ; on filtre le mélange et l’on obtient de nouveau une solution jaune. C’est enfin de cette dernière liqueur qu’on précipite par addition d’un acide, vinaigre ou jus de citron, une substance d’un rouge splendide, laquelle, desséchée, constitue la « carthamine » pure. Insoluble dans l’eau et les acides, soluble dans l’alcool et dans l’éther, la carthamine pulvérulente s’offre avec une couleur violacée à reflets verdâtres ; elle perd sa nuance en se dissolvant dans les alcalis et s’altère à l’humidité.

Quant au carmin, peu de personnes ignorent qu’il s’extrait de la cochenille, petit insecte qui séjourne sur le nopal ou cactus. Comme le rouge de carthame, c’est un composé assez complexe dont le rôle chimique, peu accentué à la vérité, se rapproche de la fonction acide.

Même, parmi les divers procédés d’extraction, l’un d’eux est exactement parallèle à celui que nous avons résumé pour la carthamine. Mais le meilleur carmin s’extrait de la « laque carminée, » précipité formé de carmin entraîné par l’alun. La laque carminée, le carmin liquide à l’ammoniaque dont se servent les dessinateurs, les architectes, les élèves construisant leurs épures, ont même origine, même nature, et remplissent à peu près le même but que la drogue que débitent les parfumeurs, à l’état soit de poudre, soit de pâte, pour accroître la fraîcheur du teint Ce qui explique le succès du carmin, c’est qu’il ne nuit pas à la santé - nous l’avons déjà dit - et qu’étendu sur le papier ou appliqué sur la peau d’une coquette, il ne s’altère point à la lumière.

En présence des avantages qu’offrent ces deux substances, peut-on espérer du succès pour les autres composés chimiques qu’on a proposés à l’usage des personnes trop pâles à leur gré ?