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la mort du poète espagnol de l’âge où écrivait saint Clément d’Alexandrie, qui ouvre la série nombreuse des Pères de l’Église ayant tonné contre les artifices de toilette ou pour mieux dire contre la toilette elle-même et le luxe. Leurs attaques, jugées par un lecteur moderne, sembleraient d’abord bien violentes et paraîtraient dépasser la mesure. Mais il ne faut pas, à notre époque terne et opportuniste, juger, par la comparaison des petits ridicules que nous avons sous les yeux, des abus fort graves qui régnaient dans le monde païen et que l’Église cherchait à corriger chez les néo-chrétiens.

Dans son Pædagogus, sorte de traité d’éducation, saint Clément compare à des temples égyptiens, superbes au dehors, et cependant recélant une bête immonde, objet d’un culte incompréhensible, à des temples égyptiens, disons-nous, les femmes qui s’oignent les joues, se teignent les yeux, colorent, leur chevelure, ou même se frisent et portent de l’or. Il fait observer très justement qu’elles compromettent leur beauté et qu’elles ne peuvent guère se montrer au grand jour, ni bien remplir leurs devoirs de mères de famille. On accentue, dit-il, par du noir de fumée les sourcils trop faibles ; la brune corrige son teint avec de la céruse ; celle qui se juge pâle se barbouille d’un fard liquide (de rouge sans doute) ; ces sortes d’emplâtres trahissent chez celles qui les portent non unie plaie extérieure, mais une véritable maladie de l’âme. « Malgré tes ornemens de pourpre et d’or et tes yeux peints à l’antimoine, ta beauté est vaine, » dit-il, citant Jérémie. Une femme peinte se transforme en idole, ce qui est contraire à la loi divine. Est-ce que, conclut-il enfin, les chevaux et les oiseaux s’ajustent de fausses crinières et se parent de plumes fausses ? Ne sourions pas trop de ce dernier argument ; tout enfantin qu’il nous paraisse, il était si cher aux classiques que Boileau, quinze cents ans plus tard, l’a repris et ressassé sous toutes ses formes dans sa VIe satire.

Après les matrones vient le tour des hommes. Saint Clément blâme d’abord l’abus de l’épilation ; nous ajouterons, avec Pline, à l’adresse de ceux qui comprennent difficilement l’importance capitale dont jouissait cet art chez les anciens, qu’une habile épilation devenait une source de profits pour les marchands d’esclaves et les propriétaires peu scrupuleux, en rajeunissant l’apparence de leur bétail humain quand il était mis en vente. Puis notre écrivain, s’appuyant sur un texte de saint Mathieu