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assistée d’une vieille soubrette Scapha, procède à sa toilette sous les yeux de son amant, Philolachès, dissimulé derrière un rideau. Elle réclame d’abord du blanc, puis du rouge. « Non point, réplique Scapha, tu es trop belle pour cela ! Vouloir gâter par des couleurs postiches un chef-d’œuvre de la nature ! Est-ce qu’il faut à ton âge toucher à aucun espèce de fard, blanc de céruse, blanc de Mélos (craie), ou toute autre couleur empruntée ? Prends donc ton miroir… » Après quoi, Scapha se livre à une sortie d’un goût douteux contre les vieilles femmes qui abusent des parfums et du fard en temps de chaleur. Il est clair d’ailleurs qu’à Rome comme en Grèce, le maquillage, avant de se généraliser, a tout d’abord été mis en pratique par les courtisanes et les personnes âgées.

À un teint d’albâtre il était de mode d’associer des sourcils bien noirs et de grands yeux comme en Orient. Le noir de fumée y suffisait, mais, selon la pratique du temps, ou s’alambiquait l’esprit à rechercher, pour les torréfier, des matières bizarres, comme des oeufs de fourmis, et réaliser ainsi, à grand-peine, un produit si facile à obtenir. Un passage de Properce semble faire allusion à des marques au crayon bleu dessinées sur les tempes pour renforcer les veines ; mais ne s’agit-il pas tout simplement de sourcils prolongés à l’aiguille enduite de noir, car on sait que les Latins ne distinguaient pas nettement le noir du bleu, l’adjectif cæruleus employé par Properce s’appliquant tantôt à l’une, tantôt à l’autre de ces deux couleurs.

D’abord très recherchée, mais seulement dans la haute société, la nuance blonde ou rousse pour les cheveux se vulgarisa et finit à la longue par caractériser les femmes les moins recommandables. Les Romaines qui se trouvaient trop brunes à leur goût recouraient à deux procédés : ou bien elles se teignaient les cheveux au moyen d’alcali, ou bien, ce qui était plus simple, elles avaient recours aux dépouilles de la tête des Germains et des Germaines. Du temps où la mode autorisait ou tolérait les cheveux noirs pour une élégante, celle qui commençait à grisonner rajeunissait en apparence avec une teinture de brou de noix à laquelle le poète Tibulle fait allusion. Martial, parlant d’un homme qui use de la même recette, dit que le « cygne » de la veille se métamorphose en « corbeau. »

Au temps où vivait Martial, le christianisme commençait à se répandre, et moins d’un siècle d’intervalle sépare la date de