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il était caché ; pourtant il n’a pas d’accens aussi indignés lorsqu’il parle des femmes qui se noircissent les yeux ou les cils avec du bitume grillé, de l’antimoine. Il se contente de dire — avec juste raison — que la nature a créé les cils ou les yeux dans un autre dessein. Il mentionne la céruse, dont les Romaines usaient largement pour rendre éclatante la blancheur de leur peau et qui, de son temps, se préparait déjà à peu près comme aujourd’hui. La terre de Chios ou celle de Samos (sans doute des variétés de craie) remplissait le même but. Enfin chez les Germains et dans les Gaules, non seulement les femmes, mais les guerriers plus souvent encore, frottent leur chevelure avec un mélange de suif de chèvre et de cendre de hêtre : ce « savon, » comme nous dirions aujourd’hui, blondit les cheveux, et les Romaines en adoptent l’usage avec empressement. Un peu amplifiée pour les besoins de la scène, cette circonstance a même été rappelée dans un ballet intitulé : l’Empire de la Mode. Écoutez le Mercure de France d’août 1731 rendant compte de la représentation :

« Plusieurs sauvages se peignent le visage pour ne point laisser paraître les mouvemens de leur âme. Ils sortent des bois, de leurs retraites et viennent livrer aux marchands romains le fard, la céruse, la pommade, le vermillon que ceux-ci mettent à la mode parmi les dames romaines, lesquelles s’en servent pour réparer des ans l’irréparable outrage. » Où ce ballet, avec les pas réglés par Blondy et Malterre aîné, fut-il dansé ? À l’Opéra, sans doute ? Non point, mais sur le théâtre et par les élèves du collège Louis-le-Grand alors dirigé par les Jésuites[1], à l’occasion d’une distribution de prix.

Ovide, en dehors de ses Métamorphoses et autres œuvres en vers, a rédigé en distiques fort harmonieux un poème moins connu intitulé : De medicamine faciei dont nous n’avons malheureusement que le début, juste cent vers :


 Discite quae faciem commendet cura, puellae,
Et quo sit vobis forma tuenda modo
[2].


Il est du reste fâcheux que de nombreuses lacunes, variantes ou fautes de copie enlèvent toute valeur aux renseignemens sur

  1. Ernest Boysse, le Théâtre des Jésuites.
  2. Apprenez, jeunes filles, les soins qu’exige la face et comment il faut conserver votre beauté.