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les harems de Syrie. Par malheur, à la date où écrit la voyageuse, les miroirs y sont rares et chers, et chaque femme n’a pour guide de sa toilette que les conseils très intéressés de ses compagnes, toujours prêtes à redouter une rivale et qui la poussent avec perfidie à se barbouiller à tort et à travers. C’est un véritable concours de grossières enluminures entre odalisques : vermillon sur les lèvres, rouge sur les joues, sous le nez et le menton, au front, blanc « à l’aventure, » bleu autour des yeux. Quant aux sourcils, on en prolonge l’arc jusqu’à la tempe vers l’extérieur et du côté de l’intérieur du visage jusqu’à la naissance du nez. Nous allions oublier les mains et pieds bariolés de teinture orange. Comme, chaque fois que la femme turque se lave, elle est obligée de se repeindre à fond, elle s’épargne cette peine en ne se débarbouillant que le moins souvent possible. Détail prosaïque bien fait pour dépoétiser les Orientales !


III

L’emploi du fard et des divers artifices de toilette ne fut pas ignoré des anciens Grecs ; il est probable même qu’aux âges héroïques et historiques, les hommes se teignirent cheveux et peau autant et plus que les femmes, car il est connu que dans les sociétés primitives, le goût des ajustemens est l’apanage du sexe fort pour le moins autant que chez nous le monopole du sexe faible. Mais quel intérêt présenterait l’exposition d’un petit nombre de faits isolés ? Les Grecs de la belle époque étaient principalement blonds, quoique l’élément brun existât aussi parmi eux. Or les peuples blonds, — le fait n’a pas besoin d’être expliqué, — paraissent moins disposés à user du maquillage. Seulement, à la suite de guerres successives prolongées pendant des siècles, la race brune, plus résistante, persista seule dans la Grèce,ruinée, appauvrie et d’ailleurs « orientalisée, » s’il est permis de s’exprimer ainsi. Les Grecs, par leur contact avec les Asiatiques, en adoptèrent les mœurs et les usages, parmi lesquels la coutume du fard pour les femmes à la mode.

Quelle était la couleur du teint chez les vieux Romains ? Nous l’ignorons au juste[1], mais la même explication, — c’est-à-dire

  1. Ovide qualifie les Sabines contemporaines de Romulus de rubicundæ, c’est à dire de « grosses rougeaudes » (fort peu semblables aux gracieuses héroïnes immortalisées par David).