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pour une raison quelconque, couronne et collet ont disparu, tandis que la racine est demeurée saine. Vers la fin du règne de Louis XIV un dentiste nommé Fauchard imagina, en semblable conjoncture, de creuser le cœur de la racine et de sceller dans le trou un axe ou tenon de dent artificielle qui venant se superposer à la racine, rétablissait l’intégrité de l’organe primitif, au point de vue de l’aspect, comme de l’usage. Mais, à cette époque, on ne connaissait guère et’ on pratiquait mal les procédés de désinfection, et, comme la condition ’absolument indispensable de la durée du résultat est le parfait nettoyage de la racine, la méthode des « dents à pivot » fut abandonnée pour revenir en faveur à l’époque contemporaine, où elle s’est grandement compliquée et perfectionnée.

D’autres fois, hélas ! les fondations de l’édifice font défaut et une, deux, plusieurs dents ont complètement disparu. On les remplace par des dents artificielles encastrées dans des plaques qu’on appuie sur les dents restantes. D’autres fois encore la plaque soutien, suffisamment flexible, repose sur les gencives par simple adhésion. On utilise ainsi un principe fondé sur une expérience connue. Deux blocs de marbre ou deux glaces bien polies sont mises en contact par leurs faces planes ; elles adhèrent bientôt au point qu’en soulevant la masse supérieure, on entraîne aussi le bloc inférieur. Ici les gencives et les plaques jouent des rôles parallèles.

Ces détails, trop vulgarisés aujourd’hui, ne présentent pas en somme un intérêt aussi vif que la discussion de la nature et de l’origine des matières devant suppléer les dents naturelles ou contribuant à fixer dans les mâchoires les dents factices. On a essayé de dents humaines nettoyées, limées et travaillées de façon à se réduire à la simple couronne ; elles imitent parfaitement la nature, et pour cause, mais ne durent guère[1]. Les dents de bétail suppléent aux incisives, mais, par trop brillantes au début, elles ne se conservent pas davantage, sans doute à cause de

  1. Il ne s’agit pas dans le présent cas de dégarnir pour de l’argent la bouche d’un pauvre diable. Les dents, souvent très saines, qu’on est obligé d’extirper aux adolescens dont la mâchoire présente trop de désordre, fournissent en suffisance une réserve à utiliser. — Il n’est pas à propos de discuter ici une question plus curieuse qu’utile : la « greffe dentaire. » Mentionnons cependant un cas aussi intéressant qu’authentique : en s’y prenant habilement, on a pu faire reprendre des dents arrachées depuis plusieurs mois et simplement conservées dans un tiroir (Paul Dubois).