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donner suite à mes recherches. L’an dernier toutefois, j’eus l’occasion d’entretenir de cette urne mélancolique Mme la Duchesse d’Albe qui est, on le sait, une des plus érudites personnes d’Espagne, infiniment éprise de l’histoire de son pays natal. Trois semaines ne s’étaient par écoulées que je recevais de la main de la duchesse tout un dossier contenant des notes en grand nombre et des photographies qui ont soudainement éclairé pour moi cette question demeurée jusque-là obscure. J’adresse à Mme la Duchesse d’Albe l’expression de ma vive gratitude.

Voici le très peu que l’on sait de l’histoire de la princesse lointaine dont la chapelle de Sainte-Barbe dans l’église de Saint-Jean de Valence renferme aujourd’hui les restes

Jean III Dukas Vatatzès, le fameux « Vatace » des historiens francs contemporains de l’empire latin de Constantinople, second basileus byzantin à Nicée, l’adversaire le plus opiniâtre de l’empereur latin de Constantinople Baudouin II et du vieux régent Jean de Brienne, l’ennemi acharné de l’Église romaine et de tous les Francs, monté sur le trône en l’an 1222, avait perdu, en l’an 1241, sa première femme Irène, la fille aînée de Théodore Lascaris, son prédécesseur sur le trône impérial de Nicée. Il avait amèrement pleuré cette sainte impératrice, une des plus distinguées parmi la longue série des princesses byzantines. Puis ce grand souverain ayant désiré se remarier « pour fuir la solitude » avait sollicité et obtenu en 1244, alors qu’il était âgé déjà d’environ cinquante ans, la main de la jeune princesse Constance, fille naturelle, plus tard reconnue, de son grand allié, l’empereur allemand Frédéric II de Hohenstaufen, et d’une noble piémontaise, Bianca Lancia, une des sœurs par conséquent du non moins fameux Manfred ou Mainfroy qui devait plus tard monter sur le trône de Sicile, sœur aussi, mais de père seulement, du poétique et lamentable Enzio.

C’est cette princesse infortunée dont les ossemens sont conservés à Valence où elle vint mourir, je vais raconter brièvement à la suite de quelles tragiques vicissitudes.

À l’époque de ses fiançailles avec l’illustre basileus de Nicée, la fille de l’empereur Frédéric, qui, de même que tous les autres rejetons du grand césar germanique, devait, elle aussi, subir la terrible fatalité attachée à son nom, était très jeune encore, une enfant de onze ou douze ans. Tous les chroniqueurs occidentaux la nomment Constance, Constanza, tandis que tous les chroniqueurs