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sultan, — personnages aux allures de noblesse et d’élégance, drapés de fine laine, — chargés de régler l’heure de ma visite à Sa Hautesse et la façon dont je serai reçu.

C’était une ancienne maison de vizir, ce consulat français ; aux murs des salles, sous les couches neigeuses de la chaux, s’indiquaient légèrement, comme en bas-relief effacé, des arcades aux festons géométriques, d’une simplicité exquise, — éternels dessins des portes de mosquées ou de palais, que les hommes en burnous ont apportés avec eux, en suivant la ligne des grands déserts, jusqu’en Algérie, jusqu’au Moghreb et en Espagne ; et elles disaient à elles seules,. les arcades blanches, dans quel pays on était, elles suffisaient à désigner pour moi l’Arabie, — la vieille Arabie que j’adore, et où je suis chaque fois grisé de revenir, sans avoir jamais su comprendre au juste par quel charme elle me tient, ni exprimer sa fascination triste…


La plus haute des maisons closes qu’en arrivant nous avions vues, presque baignées dans la mer et y mirant leurs blancheurs, c’était le palais du sultan.

Quelqu’un vêtu d’une robe blanche et drapé d’un burnous brun à glands d’or ; de grands yeux très beaux, un visage de trente ans couleur de bronze clair, aux traits réguliers et délicats, illuminés par un franc sourire de bienvenue : tel m’apparut, au seuil de sa demeure où il avait bien voulu descendre, ce sultan de Mascate, qui règne sur l’un des derniers états d’indépendance arabe, sur l’un des derniers pays où les cinq prières du jour ne sont jamais troublées par l’ironie des infidèles. Les ancêtres de cet homme étaient déjà des souverains nombre de siècles avant que fussent sorties de l’obscurité nos plus anciennes familles régnantes d’Europe ; il a donc de qui tenir son affinement aristocratique et son aisance charmante.

La grande salle d’en haut, où il me fit asseoir, était déconcertante de simplicité dédaigneuse, avec ses murs uniment blanchis et ses sièges de paille ; mais elle donnait par toutes ses fenêtres sur le bleu admirable de la mer d’Arabie, avec les beaux voiliers au mouillage et la flottille immobile des pêcheurs de perles.


— Autrefois, me disait le sultan, on voyait souvent à Mascate des navires de France ; pourquoi ne viennent-ils plus ?