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accourt au camp avec avidité. Les curés, très puissans, là se rallient tous. Le Duc leur convient. Et les soldats aussi plaisent au peuple. La Bretagne n’avait rien vu de pareil depuis on ne sait combien d’années. Les comédiens de Vannes sont venus s’établir au camp. On s’amuse utilement. À propos de comédiens, nous aurons ici lundi l’Opéra-Comique et le Vaudeville, Jean de Paris et les Deux voleurs. Qu’est-ce que les Deux voleurs ? Arnal y est-il ?

« Il faut pourtant que j’écrive à d’autres. Nous serons probablement convoqués tout à coup après le déjeuner, pour nous rendre au Tréport. Dès que la flottille de la reine sera en vue, trois coups de canon l’annonceront. Nous endosserons notre uniforme, nous monterons dans les calèches, et Dieu sait quand nous reviendrons, à quelle heure, je veux dire. Les approches, la marée, le débarquement, les cérémonies, rien ne finit. Cette lettre-ci partira donc sans que je puisse rien y ajouter, par le courrier de deux heures. Mais je vous écrirai ce soir par l’estafette. Il n’y avait rien à faire, du télégraphe. On n’aurait pu aller le rejoindre qu’à Boulogne, à vingt-huit lieues d’ici.

« Il fait toujours très beau et bon vent-d’ouest. La Reine, la nôtre, avait grand’peur que l’autre reine n’arrivât cette nuit. Le danger est passé.

« Les Cowley sont arrivés hier à trois heures. J’ai été les voir sur-le-champ en revenant du Tréport où j’étais allé, avec Mackau, m’assurer de tous les préparatifs. Ils ont l’air bien contens. Mais lord Cowley, qui avait dit d’abord le contraire, dit que la reine n’ira pas à Paris, qu’elle ne le peut pas, cette fois. Nous verrons bien. Je crois qu’elle n’ira pas.

« Le corps diplomatique de Londres ne voulait pas croire au voyage. Là aussi on pariait, Brunnow comme Kisseleff. Lord Aberdeen y, a été très favorable, quoiqu’il souffre beaucoup en mer.

Telle que nous connaissons la princesse de Liéven, il n’est pas douteux qu’elle devait prendre à ces récits le plus vif intérêt. Ils lui offraient, entre autres satisfactions, celle d’alimenter ses entretiens et les correspondances qu’elle entretenait avec nombre de membres du corps diplomatique. On en retrouve l’écho dans ses lettres à Barante, publiées depuis. Mais ce qu’elle n’a dit ni à lui ni à d’autres, c’est que, parmi ces innombrables détails par la confidence desquels Guizot l’associait incessamment à sa vie,