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LA REINE VICTORIA EN FRANCE[1]
(1843]

Dans une première étude sur la princesse de Liéven[2], j’ai raconté comment se forma entre elle et Guizot, alors qu’ils avaient atteint la maturité de l’âge, la tendre amitié qui devait durer autant qu’eux-mêmes, toujours plus intime et plus profonde. À la lumière de leur volumineuse correspondance, on a vu ce sentiment éclore, s’épanouir, gagner chaque jour en puissance, produire les plus rares fleurs, en dépit des agitations de leur âme, qui auraient pu les flétrir, et le parfum de ces fleurs se répandre sur toute leur vie. Mais ce n’est là qu’un des aspects de leur liaison. Elle en présente un autre dont on ne saurait ne pas tenir compte si l’on veut avoir de cette liaison une idée exacte et cols piète. Le sentiment qu’ils ont poussé si loin ne fait pas tous les frais de leurs relations. Les événemens y ont aussi leur part. Dans les lettres où ils se plaisent à envelopper des formes les plus passionnées les témoignages de leur affection réciproque, il y a toujours place pour les faits quotidiens, d’ordre politique et diplomatique, auxquels ils sont mêlés, tantôt acteurs, tantôt témoins.

Tour à tour député, ambassadeur, ministre, président du Conseil, Guizot a occupé pendant dix ans, sous un prince éclairé,

  1. D’après la correspondance inédite de la princesse de Liéven avec Guizot.
  2. Voyez la Revue du 15 septembre 1901.