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sont nécessaires, et il est bon de reprendre les choses de plus haut.

Si César avait eu le temps d’achever son œuvre, il est assez probable qu’il aurait fondé une monarchie. À la manière dont il se fit offrir par ses amis le titre de roi, on croit voir qu’il le désirait ; on voit aussi, à la façon dont il fut forcé de le refuser, qu’on n’était pas disposé à le lui laisser prendre. Auguste fut plus habile : il se fit donner l’autorité royale sans le nom. Il essaya de faire croire qu’il n’y avait rien de changé à Rome, et que l’établissement du principat pouvait se concilier avec le maintien de la république. Il nous semble que c’était supposer chez les Romains une crédulité peu vraisemblable mais notre surprise diminue quand nous songeons qu’il y avait des précédens qui pouvaient les aider à se laisser tromper. Ils étaient très habitués à voir créer, en temps de danger, des magistratures extraordinaires. La dictature, qui concentrait en elle la puissance de toutes les autres fonctions de l’État, ne supprimait pas la République, et elles continuaient d’exister toutes les deux ensemble. Il est vrai que la dictature ne durait qu’un temps, et même très peu de temps, tandis qu’Auguste comptait bien garder son autorité toute sa vie, et que même il espérait la transmettre à ses héritiers. Le problème consista donc à dissimuler autant que c’était possible la continuité du pouvoir, et à fonder l’hérédité sans le dire. Auguste y réussit il ne se fit donner que des magistratures temporaires qu’on renouvelait à l’échéance. Ces renouvellemens devinrent très vite une simple formalité, à laquelle on s’habitua si bien que les decennalia et les vicennalia finirent par être uniquement des occasions de fêtes solennelles. Quant à l’hérédité, jamais les empereurs ne l’ont formellement demandée pour leur famille, jamais elle ne leur a été expressément accordée, mais jamais non plus il n’a été douteux un moment que leur fils, s’ils en avaient, ou leur plus proche parent, ou celui qu’ils avaient choisi comme successeur, les remplacerait. L’hérédité a existé pendant tout l’empire sans qu’on en ait jamais prononcé le nom, comme un fait, non comme un principe. Le prince mort, son héritier se faisait reconnaître par le sénat et les soldats, qui n’avaient garde de s’y refuser, et cette apparence d’élection contentait les plus difficiles. On peut donc penser, quelque surprise qu’on en éprouve, que ce qu’il y avait d’indécis et de mensonger dans ce