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musulman ou juif, est représenté, proportionnellement à ses forces numériques ; mais le choix des représentans de chaque confession est laissé à tous les électeurs indistinctement. De cette façon, aucun groupe n’est écrasé, et les Bosniaques des diverses confessions apprennent à se connaître et à se donner la main, par-dessus les antiques barrières religieuses.

Les institutions, en pays neufs surtout, ne valent guère que par ceux qui les appliquent. C’est là une vérité dont l’Autriche s’est souvenue en Bosnie-Herzégovine. Une des choses qui nous ont le plus frappé, c’est la valeur des fonctionnaires appelés à gouverner et à administrer les provinces occupées. Il y a là, pour nous Français, qui, dans nos possessions ou nos colonies, nous préoccupons souvent si peu du choix des hommes, une haute et mortifiante leçon. S’il se rencontre, çà et là, quelques fonctionnaires envoyés au Sud de la Save, pour des fredaines de jeunesse, en reparatur, selon la pittoresque expression d’un Autrichien, c’est une exception. Pour qui le considère en bloc, le personnel administratif de la Bosnie-Herzégovine semble un personnel d’élite. Cela est surtout vrai des chefs de services. Au lieu d’expédier, dans ses nouvelles possessions, des favoris sans titres ou des hommes tarés qu’on ne pouvait ou qu’on n’osait caser ailleurs, le gouvernement austro-hongrois a fait choix, pour l’administration des anciennes provinces turques, d’hommes capables, dévoués, instruits. Et ces fonctionnaires, au lieu d’être enlevés rapidement au pays qu’ils avaient organisé, ont été, pour la plupart, maintenus à leur poste ; ils ont fait carrière en Bosnie ; par suite, ils la connaissent et ils l’aiment. Ils portent, à leur œuvre commune, un intérêt dont la sincérité presque passionnée m’a plus d’une fois touché. Beaucoup sont en Bosnie depuis douze ou quinze ans, depuis vingt ans même.

À la tête du gouvernement, est, nous l’avons dit, un des hommes les plus considérables de la monarchie dualiste, un Hongrois, M. de Kallay, ministre des Finances, du ministère commun. Voici plus d’une quinzaine d’années que M. de Kallay dirige les affaires de Bosnie, et c’est à son activité infatigable, à sa connaissance des hommes et des choses, c’est au choix des collaborateurs dont il a su s’entourer, que revient, pour une large part, le mérite de tout ce qui s’est fait d’utile et de fécond en Bosnie-Herzégovine.

Unité et continuité de direction, aux mains d’une autorité