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V

Aujourd’hui, la Bosnie-Herzégovine est gouvernée entièrement d’en haut, sans aucune participation des habitans. À la tête du gouvernement est placé un des hommes d’État les plus remarquables de la monarchie, le ministre des Finances du ministère commun, M. de Kallay, dont la principale fonction est de gouverner les provinces occupées. Au-dessous de lui, vient un général, portant le titre de Chef der Landesregierung, qui commande les troupes ; mais, à côté de ce général, est placé un Civil Adlatus qui préside à toutes les administrations, de façon qu’ayant nominalement à sa tête un gouvernement militaire, le pays, en fait, est sous le régime civil.

La Bosnie n’a ni États ni diète. Elle ne possède d’autres assemblées électives que les assemblées municipales, dont les principales villes sont pourvues. De même, si elle a une presse, en dehors des journaux officiels, si chaque groupe de population chrétienne ou musulmane a même ses organes attitrés, cette presse est tenue étroitement en laisse ; par suite, si toutes les feuilles ne sont pas officieuses, l’on ne saurait dire qu’il existe une presse d’opposition. L’administration bosniaque échapperait donc à tout contrôle, si son chef n’était responsable devant les a délégations » austro-hongroises, contrôle peu gênant, semble-t-il. Cette situation, assurément anormale en Europe, ne saurait se prolonger bien des années, sans que les Bosniaques en fassent un grief contre le gouvernement austro-hongrois. Si paradoxal que cela semble, cette apparente infériorité politique de la Bosnie vis-à-vis de certains des pays voisins, en face de la Serbie, notamment, a peut-être été plutôt, pour l’ancien vilayet turc, un avantage. Une des choses qui ont le plus entravé le développement pacifique des petits Mats du Balkan, c’est, croyons-nous, la lutte des partis, les intrigues, les compétitions, les violences des politiciens. Tous ces petits États, sauf le patriarcal Monténégro, sont malades de la fièvre politique, gagnée au contact de l’Occident.

Ils souffrent tous, plus ou moins, des abus d’un parlementarisme mal compris, introduit prématurément en des pays qui n’y avaient pas été préparés. Certes, nous ne voudrions condamner aucun peuple, aucune nation européenne notamment, à subir à