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du culte catholique. L’Autriche, d’accord avec le Saint-Siège, a créé un archevêché à Sarajévo, avec deux évêchés suffragans. Comme il fallait ménager l’influence des Franciscains, demeurés d’autant plus chers au peuple qu’ils sortent de son sein et qu’ils ont toujours vaillamment partagé ses épreuves, un des trois sièges épiscopaux, celui de Mostar a été attribué à un moine. En outre, un grand nombre de paroisses sont demeurées, comme par le passé, aux mains des Franciscains.

À côté d’eux, ou au-dessus d’eux, s’exerce toutefois, aujourd’hui, une autre influence, celle des Jésuites, appelés en Bosnie depuis l’occupation, comme l’ordre le plus capable d’y introduire les idées ou les méthodes de la culture occidentale. Le haut enseignement laïque et ecclésiastique a été, en grande partie, confié à la Compagnie de Jésus. L’archevêque lui a remis la direction du grand séminaire de Sarajévo ; et à Travnik, l’ancienne capitale, la Compagnie a fondé un gymnase classique, où sont élevés les fils de la plupart des fonctionnaires.

On peut ainsi distinguer, dans le clergé catholique de Bosnie, les prêtres ou les religieux immigrés des moines ou des curés indigènes. Entre ces deux fractions de ministres d’une même Église, qui diffèrent souvent par l’esprit, l’éducation et les tendances, autant que par l’origine, il y a eu parfois d’inévitables froissemens, jusque sous la docile soumission de la discipline religieuse. Indigène ou étranger, ce clergé bosniaque, à commencer par son archevêque, n’en est pas moins, en très grande majorité, Slave de langue et de cœur. Al sait que les catholiques du pays sont fort attachés à leur nationalité ; et comme moines ou prêtres sont, eux aussi, Croates ou Slaves du Sud, le clergé, loin de travailler à dénationaliser le pays, se montre plutôt défiant de toute velléité, même apparente, de germanisation. Ainsi en est-il surtout des Franciscains dont les monastères demeurent les forteresses de l’esprit national slave catholique.

Le clergé immigré lui-même ne semble pas mériter, d’habitude, les défiances que lui a parfois témoignées le soupçonneux patriotisme de quelques Croates. Sauf de rares exceptions, la prédication et le catéchisme se font partout en serbo-croate. À la cathédrale, élevée depuis l’occupation, toutes les inscriptions sont en latin ou en croate. Les Jésuites mêmes, que l’on regarde parfois comme les agens de la propagande proprement autrichienne, ont, à Sarajévo, couvert les murs de leur église de