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l’occupation, ils ne dépassaient pas 209 000 ; en 1885, ils atteignaient, déjà, le chiffre de 265 000. Ils auront presque doublé en un quart de siècle. Cet accroissement provient, en partie, de l’immigration. Nombreux sont les Austro-Hongrois établis en BosnieHerzégovine, depuis l’occupation, et la grande majorité d’entre eux est catholique. La plupart proviennent des pays voisins, de la Dalmatie, de la Croatie ; ce sont des Slaves de langue serbo-croate ; par suite, au lieu de dénationaliser le pays, ils renforcent les rangs des catholiques indigènes à tendances croates, en même temps qu’ils en relèvent le niveau intellectuel.

Au rebours des Serbes orthodoxes, les catholiques bosniaques passent pour être encore très dociles à leur clergé, à leurs moines surtout, à ces franciscains, qui, durant les longs siècles de la servitude ottomane, ont été leurs conseillers et leurs consolateurs. Hommes ou femmes, leur foi est grande, et leur piété s’exprime souvent d’une manière touchante. En certaines paroisses, les paysans catholiques, demeurés d’habitude plus pauvres que leurs voisins orthodoxes ou musulmans, ont conservé la coutume de porter, sur les bras ou sur la poitrine, une croix tatouée en bleu, comme s’ils voulaient montrer que la foi chrétienne est si bien entrée dans leur sang qu’elle est indélébile.

Une des tâches de l’Autriche-Hongrie, dans sa nouvelle possession, a été d’y constituer une hiérarchie catholique. Avant l’occupation, la Bosnie-Herzégovine n’avait pas d’épiscopat. C’était une terre de mission, relevant de l’évêché de Diakovar en Croatie, dont le titulaire actuel, le vénérable Mgr Strossmayer, s’est acquis une réputation européenne par son éloquence, son patriotisme slave et son dévouement à la cause de l’union des deux Églises. Comme en mainte région de la Turquie d’Europe ou d’Asie, les paroisses bosniaques étaient desservies par des Franciscains ; mais, au lieu de provenir de l’Italie ou de l’Occident, ces Franciscains bosniaques étaient des gens du pays ou des pays voisins, pour la plupart Slaves de langue et de cœur, comme leurs ouailles. Ils ont encore, aujourd’hui, en Bosnie de vastes et riches couvens, auxquels le gouvernement turc, désireux de complaire au clergé, avait accordé d’importans privilèges. Ces couvens et ces privilèges, l’Autriche a cru devoir les respecter. Comme sous la domination turque, les biens des monastères restent exempts de la dîme que payent au gouvernement toutes les propriétés.

Les moines franciscains ne sont plus cependant les seuls dispensateurs