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de représentant traditionnel de la nationalité qu’à son titre de ministre de la religion. Le gouvernement, de son côté, ne l’ignore point, et il surveille en conséquence les membres du clergé ; il s’inquiète de leur éducation. Il entretient, pour cela, aux frais clés provinces occupées, un séminaire orthodoxe, en même temps qu’un séminaire catholique et qu’une école supérieure de théologie musulmane, de façon que le recrutement des divers clergés est également assuré, et leur formation également placée sous la tutelle gouvernementale.

Dans les rangs du clergé serbe orthodoxe se rencontrent, aujourd’hui, des hommes instruits qui, outre leur belle langue nationale, parlent l’allemand ou l’italien. Le clergé paroissial, comme dans tous les pays de rite grec, est marié, ce qui le rapproche encore davantage du peuple. Les évêques, au contraire, selon la discipline des Églises orientales, sont astreints au célibat et appartiennent d’habitude à l’ordre monastique. Le gouvernement austro-hongrois, naturellement soucieux de s’assurer tous les moyens d’influence, ne pouvait se désintéresser du choix des hauts dignitaires de l’Église orthodoxe. Ils sont, en Bosnie-Herzégovine, au nombre de trois, qui portent le titre de métropolite. Avant l’occupation, ces évêques de Bosnie étaient nommés par le patriarche de Constantinople et mis en possession de leur siège par un bérat du sultan. Si la Bosnie et l’Herzégovine avaient été officiellement annexées à l’empire des Habsbourg, le patriarcat byzantin, d’après les règles mêmes de l’Église d’Orient, aurait perdu toute autorité canonique sur ces deux provinces ; le gouvernement de Vienne ou de Buda-Pest aurait pu pourvoir lui-même à la désignation ou à l’installation des évêques, comme il le fait pour les sièges orthodoxes de Dalmatie ou de Hongrie. Mais telle n’est pas la situation de jure. Au point de vue religieux, la Bosnie-Herzégovine reste, en droit, soumise à la juridiction du patriarcat de Constantinople, comme, au point de vue politique, elle demeure sous la haute souveraineté du sultan.

Cette situation singulière ne permettait pas à l’Autriche-Hongrie de rattacher les provinces occupées à l’une des trois Églises orthodoxes « autocéphales » qu’elle possède, déjà, dans ses États. Les réunir, par exemple, avec les Serbes de Hongrie, au patriarcat voisin de Carlovtsy, eût été violer les canons de l’Église, avec les droits du patriarcat byzantin. C’eût été s’exposer à une lutte ingrate contre le patriarche oecuménique dont les résistances