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était, comme toujours, le maintien de l’indépendance de la Chine et de l’intégrité de son territoire. Elle s’est montrée d’abord pleine de confiance dans l’efficacité de cet accord, qui répondait à tous les besoins de sa politique : et cela a duré ainsi jusqu’à la première occasion qui s’est présentée d’en mettre la vertu à l’épreuve. Personne n’ignore que la situation prise par les Russes dans la Mandchourie cause certaines préoccupations à l’Angleterre. C’est elle, d’ailleurs de concert avec l’Allemagne, qui a déconseillé à la Chine de conclure un arrangement qui aurait amené la restitution graduelle aux autorités chinoises de la plus grande partie du territoire occupé par la Russie, mais en laissant à celle-ci une prépondérance qui ressemblait un peu à un protectorat. L’Allemagne, disons-nous, a marché avec l’Angleterre dans cette affaire : cependant, comme on affectait de laisser croire à Londres que l’entente anglo-allemande qui garantissait l’intégrité de la Chine s’étendait à la Mandchourie, on a tenu à Saint-Pétersbourg à dire publiquement le contraire, de façon à dissiper sur ce point toute équivoque. Dès que la garantie ne s’appliquait pas à la Mandchourie, elle perdait beaucoup de sa valeur pour l’Angleterre, qui a dû chercher ailleurs le moyen de combler cette lacune, et l’a trouvé au Japon.

Le nouveau traité vise, en effet, la Mandchourie comme le reste de l’empire chinois : le gouvernement anglais l’a déclaré le même jour à la Chambre des lords et à la Chambre des communes. Et, quand nous parlons d’un nouveau traité, l’expression n’est pas tout à fait exacte, car les arrangemens antérieurs de l’Angleterre avec d’autres puissances, soit en Extrême-Orient, soit ailleurs, n’étaient pas des traités. Ils se faisaient par des échanges de paroles, de notes ou de lettres, mais voilà tout : il n’y avait pas eu de traité en forme portant la signature de l’Angleterre depuis plus de trois quarts de siècle, et c’était devenu une tradition de sa politique qu’elle ne devait plus en conclure de semblables. Sa situation insulaire le lui permettait plus qu’à toute autre puissance. Elle regardait comme un avantage de pouvoir garder ses mains libres tandis que les autres étaient plus ou moins obligés de lier les leurs. C’était un avantage, en effet, et il lui a fallu des motifs sérieux pour y renoncer. Quels sont-ils ?

Le gouvernement les a donnés en partie : nous disons seulement en partie, parce qu’il s’est contenté de signaler les grands changements survenus dans le monde, qui ont rapproché les nations les unes des autres, et ont multiplié leurs points de contact, mais qu’il a négligé de parler des embarras actuels de l’Angleterre dont l’armée est rendue