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anglo-japonais qui porte la date du 30 janvier, et qui a été publié une quinzaine de jours plus tard, après avoir été communiqué aux divers gouvernemens. Il en a sans doute surpris un certain nombre, non pas tous peut-être, car le marquis Ito, qui en a été le principal négociateur, était venu à Paris et était allé à Saint-Pétersbourg avant de se rendre à Londres. Depuis longtemps, d’ailleurs, le Japon avait des conversations avec diverses puissances, et il y a lieu de croire qu’elles étaient plus intimes avec l’Angleterre, qui avait pris envers lui, après sa guerre contre la Chine, une attitude particulièrement amicale. On se rappelle qu’à ce moment, la Russie, l’Allemagne et la France se sont mises d’accord pour sauver l’intégrité de l’empire chinois, et, tout en laissant le Japon tirer de sa victoire des bénéfices légitimes, en limiter cependant l’étendue. L’Angleterre a gardé une attitude différente de celle des trois puissances ; elle est restée en dehors de leur entente et, sans rien faire en faveur du Japon, elle a montré pour l’intégrité de la Chine moins d’intérêt qu’elle ne le fait maintenant avec lui. Il est naturel que le Japon lui en ait su gré. Aussi, quelque temps plus tard, lui a-t-il cédé Weï-Haï-Weï, qu’il avait occupé, à l’entrée méridionale du golfe de Petchili : cette position était jugée très importante, et, entre les mains britanniques, elle paraissait destinée à un grand avenir. Le gouvernement anglais en faisait sonner très haut la valeur. Il y voyait une compensation à l’établissement des Russes à Port-Arthur, et une garantie contre les inconvéniens qui pouvaient en résulter pour lui. Dans ces derniers temps, son opinion sur cette place a changé tout d’un coup, et même si profondément que tout le monde en a été surpris. Il est bien possible qu’on ait autrefois exagéré le prix de Weï-Haï-Weï ; on voulait en faire alors un grand port militaire ; mais n’y a-t-il pas quelque exagération en sens inverse à ne vouloir en faire désormais qu’un sanatorium, et, comme l’a dit lord Rosebery, une station balnéaire ? On a cru généralement que le gouvernement anglais avait quelque bonne raison de tenir un langage aussi nouveau, mais on n’a pas encore deviné laquelle. N’importe : la cession de Weï-Haï-Weï avait été une première manifestation des sentimens réciproques des deux pays. Mais ce n’était pas encore assez pour l’Angleterre. Elle se sentait isolée en Extrême-Orient, et cette situation ne lui paraissait plus aussi « splendide » que ses orateurs la qualifiaient jadis. Aussi a-t-elle essayé, sinon de rompre à son profit l’entente des trois puissances, au moins de s’y rattacher par quelque point, et elle a réussi à faire avec l’Allemagne un accord particulier, dont l’objet