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budget, auquel on l’a rattaché dans l’espoir qu’il prendrait ainsi moins de place et qu’il passerait plus facilement.

Cette tactique n’a réussi qu’à moitié. La réforme de l’enseignement secondaire, telle qu’elle est sortie des travaux de la commission, a été fort bien exposée par M. Ribot. Après lui, M. le ministre de l’Instruction publique, avec lequel il s’était mis d’accord, a parlé au nom du gouvernement. La réforme proposée est si importante qu’elle aurait mérité d’être longuement discutée : elle ne l’a pas été du tout. La Chambre s’est contentée d’approuver le programme dont on venait de lui indiquer les points principaux, et d’autoriser le ministre à l’exécuter. L’enseignement secondaire se partagera désormais en deux cycles : dans le premier, qui ira jusqu’à la troisième, tout sera commun ; dans le second, tout sera divisé, comme plusieurs branches qui sortent d’un même tronc. On s’est efforcé de pourvoir ainsi, par des enseignemens divers, aux multiples besoins d’esprit d’une époque aussi complexe que la nôtre. Enfin, le tout sera couronné par un baccalauréat unique, point d’aboutissement de toutes ces voies distinctes, mais tendant au même but. Ce que vaudra cette réforme, l’expérience le dira. Nous la croyons nécessaire dans son principe, et bien ordonnée dans ses lignes générales. La Chambre a écouté avec faveur M. Ribot et M. Leygues, qui l’ont défendue, mais elle n’a guère moins applaudi M. Viviani, qui l’a attaquée. C’est qu’au fond du discours de M. Viviani, il y avait tout autre chose que la réforme scolaire. À travers les grandes phrases de l’orateur socialiste, apparaissait déjà la menace des revendications jacobines contre la liberté de l’enseignement ; et c’était là pour la gauche tout l’intérêt de la discussion. On l’a bien vu lorsque M. Brisson est monté à la tribune, pour proposer quoi ? encore une motion ; contre quoi ? contre la loi Falloux. Il aurait suffi pour que la motion de la gauche radicale et socialiste fût rejetée que le gouvernement se tût, car la majorité de la Chambre n’y était pas favorable. Malheureusement, M. Waldeck-Rousseau a parlé. Il l’a fit dans les termes les plus embarrassés, multipliant les réserves, indiquant jusqu’où il pouvait aller et jusqu’où il n’irait pas, le tout dans une langue pleine de contradictions et d’équivoques ; mais il a conclu qu’il ne s’opposait pas au vote de la motion, et la Chambre y a vu un encouragement auquel elle n’a pas résisté. Ce n’est pas la faute de M. Aynard. Avec une réelle éloquence, faite de bonne foi et de bon sens, mêlée de beaucoup de verve et d’esprit, il a livré le bon combat en faveur de la liberté. Il n’est pas resté sur le seul terrain des principes et de la doctrine ; il a montré à la majorité hésitante et troublée