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ses parvis ! Mais la lampe d’autel ne s’est pas non plus éteinte en certains sanctuaires privilégiés, qui toujours ont le don d’attirer les âmes recueillies et contemplatives. Une poésie ascétique s’exhala des cellules de couvent. Saint François d’Assise est appelé le Troubadour du Christ. Les mains pleines de rayons et les yeux pleins de lumière, le petit moine, vêtu de sa robe de bure, s’en allait par les chemins en fleur, portant à tous l’amour qui pacifie et la vérité qui délivre. On connaît le beau livre d’Ozanam sur les poètes franciscains du moyen âge. Saint François leur avait donné l’exemple. Il fraternisait avec toute la nature. Il ouvrait son âme au moindre reflet, au moindre parfum, pour les transformer en oraison. Si quelques strophes s’envolaient de cette âme, elle était avant tout le vrai poème, le poème de Dieu. Il l’avait dépouillée de tout ce qui pouvait entraver son rythme. Au contact du saint, la création semblait retrouver sa primitive innocence. L’onde à laquelle Shakspeare applique l’épithète de perfide est pour François une sœur humble, chaste, pieuse, utile. Les âmes en foule subissaient l’attrait de cette conquête. Dante a chanté cette vie sur la terre ; mais « une telle vie, songe-t-il, se chanterait bien mieux dans le Paradis. »

Le cantique du Soleil n’est qu’un faible écho de l’harmonie intérieure : « Loué soit Dieu, mon Seigneur, à cause de toutes les créatures, et, singulièrement, pour notre frère messire le Soleil qui nous donne le jour et la lumière ! Il est beau, rayonnant, d’une grande splendeur, et il rend témoignage de vous, Ô mon Dieu ! .. ~ » Puis la strophe pacifiante, ajoutée en une heure où il y avait dissension entre l’évêque et les magistrats de la cité « Loué soyez-vous, mon Seigneur, à cause de ceux qui pardonnent pour l’amour de vous !… » strophe aux accens de laquelle les adversaires se réconcilièrent et se demandèrent pardon.

Un souffle avait passé sur l’Ombrie, le souffle d’un printemps d’âmes : une royale floraison (lis d’innocence et roses d’amour), éclatant dans le jardin de saint François, le petit pauvre de Jésus et de sainte Claire, la fiancée du Christ, l’amie, la sueur spirituelle de saint François, le disciple du pauvre Frère. Quand saint François parcourait les campagnes en chantant, la moisson se levait sous ses pas, et les villages le recevaient, et de tous les cœurs vers le ciel montait une symphonie, et c’est ce souvenir que consacrent le poème de Giotto et la fresque de Dante. Des sources vives jaillirent au fond des âmes. Les berges