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Guido. Saint Thomas d’Aquin, dit M. Salvadori, a fait la critique aussi fine que sûre du rationalisme mystique des Arabes. Parmi tous ces courans philosophiques, l’Alighieri demeura fidèle à l’orthodoxie ; son enthousiasme semble se partager entre saint Thomas et saint Bonaventure ; les verrières flamboyantes du Paradis nous montrent l’apparition des deux grands docteurs canonisés ; Ozanam traite le poète d’éclectique chrétien, mais M. Gaston Paris l’appelle un thomiste, et le P. Mandonnet observe que, dans la double guirlande formée au Paradis par les âmes des grands docteurs, saint Thomas d’Aquin est plus près de Béatrice, qui symbolise ici la foi. Le péripatétisme chrétien peut donc ranger liante parmi ses adeptes ; mais, si le Convito nous révèle toute la rigueur des classifications aristotéliciennes, il n’en est pas moins vrai qu’elles se joignent chez Dante à des affinités platoniciennes, comme les tendances philosophiques dominicaines y subsistent à côté des sympathies franciscaines[1].

Il fut poète avant d’être philosophe ; on peut donc supposer qu’il aima Virgile avant de chercher dans la philosophie une consolation. Peut-être l’aima-t-il même avant de commencer l’étude approfondie de son mi-ivre. L’auteur de l’Églogue à Pollion intéressait particulièrement le moyen âge. On a beaucoup étudié les idées médiévales, relatives à l’antiquité païenne. Elles sont en effet des plus curieuses, on dirait parfois des plus touchantes. Or, la IVe églogue renferme un écho des oracles sibyllins, et la sibylle Erythrée, celle à laquelle on attribuait un poème acrostiche dont chaque vers commençait par une lettre du nom de Jésus, était universellement populaire.

L’auteur du Dies Irae la cite, parallèlement au Roi-Prophète : teste David cumn Sibylla. Ne représentait-elle pas symboliquement l’attente des Gentils, ces apparences de traditions, fragmentées, disséminées, à travers l’œuvre poétique et philosophique des âges, et comparables aux éclats d’un miroir brisé, l’espoir, inconscient peut-être, en Celui que la Vulgate salue comme le Désir des collines éternelles, nous donnant à comprendre que vers lui, s’orientent toutes les élévations de l’âme, et que tous les sommets de la sagesse humaine ont la nostalgie

  1. Voyez le P. Mandonnet, Siger de Brabant, et M. Gaston Paris, la Poésie du moyen âge, Siger de Brabant ; Giulio Salvadori, la Poesia giovanile e la Canzone d’amore di Guido Cavalcanti. Roma, Società editrice di Dante, 1895. Cf. le P. Berthier, la Divina Commedia con commenti secondo la scolastica.