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sont pas là des résolutions qu’un Roi ou un pays abandonne à la décision d’un faiseur de quolibets.

La Vieuville se réveille, épouvanté.

Alors, il se retourne vers ce cardinal, toujours froid, avec lequel il avait cru pouvoir se mesurer. Il s’imagine qu’il est encore possible de l’employer dans une position secondaire, à mi-côte du pouvoir et de la confiance du Roi. Il propose d’établir un « Conseil des dépêches, » qui serait chargé des Affaires étrangères et il offre à Richelieu la direction de ce Conseil.

À cette proposition, le cardinal haussa les épaules, et il amusa sa plume ironique à polir une réponse qui nous est parvenue : « Le cardinal ne sauroit assez remercier M. de La Vieuville de l’estime qu’il fait de lui et de la bonne volonté qu’il lui porte. Il tâchera, en toutes occasions, d’en prendre revanche, en sorte qu’il connoîtra que ses intérêts lui seront aussi chers que les siens propres. Mais, il jugera que la proposition faite, en ce qui regarde ledit sieur cardinal, ne seroit ni utile au service du Roi, ni bonne pour entretenir l’intelligence qui doit être entre Sa Majesté et la Reine-Mère et qu’elle seroit périlleuse pour le dit sieur cardinal… Non utile pour le service du Roi, pour le peu de connaissance que ledit sieur cardinal a des affaires étrangères passées depuis quelques années, et pour la faible complexion de sa personne ; ce qui lui fait préférer une vie particulière à un si grand emploi. Au reste, pour y travailler, il faut prendre des résolutions si généreuses et prudentes qu’elles ne peuvent être attendues que du Roi et du Conseil qui est auprès de Sa Majesté. Autrement, pendant qu’on prendroit une résolution au Conseil des dépêches, on en pourroit prendre une autre au Conseil, en présence du Roi. »

La Vieuville eut alors l’idée de lui offrir l’ambassade d’Espagne, puis celle de l’envoyer à Rome remplacer le commandeur de Sillery que l’on venait de rappeler. Mais ce diable d’homme refusait tout, avait réponse à tout. La Reine-Mère n’admettait qu’une solution, l’entrée au Conseil, et elle avait repris tout son empire sur l’esprit de son fils, Elle ne le quittait plus : à Saint Germain, à Monceaux, lui répétant toujours la même antienne. Enfin, un jour, à Compiègne, elle prend La Vieuville à part et lui met le marché à la main : « Madame, lui dit-il, vous voulez une chose qui causera infailliblement ma ruine. Et je ne sais si Votre Majesté ne se repentira pas un jour d’avoir tant avancé un