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quelque attention ce jeune beau-frère, joli gamin, noir, vicieux et hardi ; elle se plaît en sa compagnie. Quant à la Reine-Mère, elle couve, d’une tendresse maternelle, l’avenir de cet autre enfant ; elle est Médicis ; en cas l’accident, la destinée de sa grand’tante Catherine, qui, pendant cinquante ans, grâce aux régences, a été reine de France, ne lui déplairait pas.

Le Journal d’Héroard nous raconte, jour par jour, la vie du Roi : c’est toujours cette chasse obstinée, effrénée qui, par l’exagération niaise, volontaire, têtue, a quelque chose d’attristant. Cet homme ne peut donc pas se trouver en face de lui-même ? Le roi de France n’a-t-il donc d’autre fonction publique que de courir le cerf ou le renard ? « Le 6 mars, mercredi, il va à Versailles à la chasse, revient au galop, comme il étoit allé ; va chez la Reine sa mère. — Le 8, vendredi ; il va à la chasse à Versailles, prend un renard, fait la curée. — Le 9, samedi. Il entre en carrosse et va pour la chasse à Versailles, y dîne ; après, monte à cheval, va courir un cerf, le prend, revient, de bonne heure et prend un renard. Après souper, il va en sa chambre, fait faire son lit, qu’il avoit envoyé quérir de Paris, y aide lui-même. — Le 10, dimanche. Il va à la messe, puis courir un renard, après-dîner, monte à cheval et arrive à Paris. Il va chez la Reine sa mère, au sermon, puis va jouer à la paume. »

Voulez-vous une autre journée un peu moins monotone, celle du 20 février 1623, par exemple : « Il va à la volerie plénière par les plaines du Roule, vers celle de Saint-Denis ; les Reines et les Dames y vont aussi. Elles s’en reviennent et lui, sans découvrir son dessein à personne, va au Bourget, loge à une hôtellerie, y fait lui-même tout. Il étoit en eau, de peine, change de chemise, soupe, à six heures, de la viande qu’un poulaillier de Senlis portait à des conseillers et à Messieurs des Comptes à Paris ; mange peu. Il n’avait aucuns officiers qu’un porte-manteau ; M. le grand écuyer Bellegarde lui fait son lit ; il s’enveloppe dans sa mandille doublée de panne de soie, et se met sur le lit. » À quoi pense-t-il l’adolescent songeur, les yeux grands ouverts, étendu dans sa cape espagnole ? Il se dit, peut-être, que Luynes lui manque bien. Il est seul ; ses ministres sont assommans et ridicules. Il se moque d’eux, tout le premier. Il n’a personne ; il ne lui reste que sa mère.

Celle-ci, par l’autorité de l’âge, du sang, reprend de l’influence ; elle l’entoure d’une assiduité attentive ; sortant de son