Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Monseigneur de Luçon, vous êtes la lumière.
C’est vous qui par sagesse et qui par bonne foi,
Vos offices rendant, nous donnerez la loi.

Si que chacun crie au seigneur de Luçon
Après ténèbres, viens. J’espère en ta leçon.
Post tenebras spero lucem.

Voici l’avis de ceux qui le défendent : « Pour le cardinal de Richelieu, les courtisans le tiennent raffiné jusqu’à vingt-deux carats, et les clairvoyans ont opinion que son naturel courageux l’engagera à bien faire pour avoir de la gloire… Issu d’un père bon Français, il imitera un si brave cavalier… Sans s’arrêter aux intérêts de l’Espagne, ni des cagots, il embrassera ceux de Votre Majesté comme un autre cardinal d’Amboise, afin de relever cet État menacé de ruine évidente… sa prudence et sa dextérité incomparable au maniement des affaires ont été les échelons qui l’ont fait monter à ces hauts degrés d’honneur et de gloire qu’il tient en l’Église et en l’État… il conjoint une si grande solidité de jugement à une si grande vivacité que jamais qualités contraires ne se virent tempérées par une si puissante harmonie… il est comme le flambeau qui, pour éclairer, se consume lui-même, attendu que l’État, recueillant les fruits de son travail et de ses veilles, il ne fait que ruiner le peu de santé qu’il a, comme une hostie immolée pour le salut public… »

Voici, maintenant, la voix de ses ennemis déclarés : « Plusieurs personnes le connaissoient homme d’un esprit subtil et qu’on ne peut aisément surprendre, parce qu’il est toujours en garde, qu’il dort peu, travaille beaucoup, pense à tout, est adroit, parle bien et est assez instruit des affaires étrangères. » Il faut une singulière force dans la vérité pour arracher de tels éloges.

Voici, enfin, l’opinion des diplomates étrangers. Témoins attentifs et intéressés, ils disent ce qui est nécessaire à l’instruction de leurs gouvernemens. Ce sont leurs correspondances secrètes qui nous font assister au drame qui se joue autour de la faveur royale, au cours de cette année suprême, où les derniers efforts sont faits pour barrer la route au génie. Le nonce écrit en janvier 1622 : « les anciens ministres, devenus tout-puissans, redoutent son cerveau trop actif (cervello fosse troppo gagliardo del vescovo di Lusson). » Il répète en janvier 1623 : « Le cardinal