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Bouillon, qui assistait mélancoliquement à la ruine de tous ses grands projets, lui avait promis un secours du dehors ; en effet, il traitait avec Mansfeld.

Rohan, fidèle à sa tactique antérieure, se tint hors de la place. Mais il avait mis dans la ville ses meilleures troupes, ses meilleurs officiers, et notamment, le consul Dupuy qui avait été un des héros du siège de Montauban. Lui-même se multiplie et déploie une habileté et une activité sans pareille. Il n’avait que 4 000 hommes de pied et 500 chevaux. Il tient tête à une armée de 30 000 hommes commandée par le Roi en personne : « Dénué de tout, traversé par ceux de sa religion qui l’accusaient d’ambition et d’ignorance dans le métier de la guerre, il soutint, à lui seul, son parti presque entièrement abattu… Insensible aux intempéries, accompagné d’une poignée de gens, parfois seul et inconnu, il parcourt les montagnes, réveille les courages, arme les gentilshommes et les paysans, les jette dans la ville d’abord, puis sur les derrières de l’armée du Roi ; sa présence crée des armées. »

Les événemens se reproduisirent à peu près tels qu’ils avaient été, à Montauban, l’année précédente. Au bout de six semaines, on n’avait pas encore d’espoir de prendre la ville. On avait perdu beaucoup de monde par la faim et par les maladies. De grands personnages comme le cardinal de Retz, mouraient. Le duc de Montmorency était blessé ; le duc de Fronsac, Zamet, le marquis de Beuvron, Canillac, Montbrun, l’Estrange, Combalet tués. Les femmes de la ville se battaient sur le rempart. Plusieurs assauts, imprudemment livrés, avaient été repoussés. Condé, qui les avait conseillés, était désemparé. Bassompierre y avait compromis sa réputation auprès du Roi. On pouvait craindre un nouvel échec, et bien plus grave, cette fois, car il eût détruit l’effet d’une si brillante campagne.

Le Roi fut trop heureux d’entendre aux ouvertures de paix qui, dans ces circonstances critiques, lui furent faites, de la part du duc de Rohan ; celui-ci se sentait, de son propre aveu, à bout de ressources. Il eut recours au vieux Lesdiguières qui, depuis quelques semaines, s’était converti et que le Roi, pour aider à la conversion, avait nommé connétable. Son expérience et son autorité tirèrent le Roi et le royaume d’embarras. La paix de Montpellier n’abattait pas encore le parti protestant. Cependant, elle lui portait un coup terrible. Seules, La Rochelle et Montauban