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faut pas oublier, dit lord Lansdowne dans sa réponse, que si les délégués boers doivent employer leur temps à visiter l’Afrique du Sud, à conférer avec les chefs boers en armes et à retourner en Europe afin d’y faire connaître les résultats de leur mission, il faudrait une période d’au moins trois mois, pendant laquelle les hostilités se prolongeraient et des souffrances seraient imposées, peut-être sans nécessité, à l’humanité. » Peut-être sans nécessité : cela signifie sans doute que, dans la pensée de lord Lansdowne, il y a des chances pour que la guerre, si elle suit son cours normal, soit terminée avant trois mois, tandis qu’elle ne le serait sûrement pas avant ce terme, s’il fallait attendre le retour des délégués. Il est probable, et les incidens militaires de ces derniers jours nous confirment dans ce sentiment, que la guerre, si on n’y met pas fin par des négociations, durera beaucoup plus de trois mois encore : mais le gouvernement anglais a le droit d’avoir, ou de manifester une impression différente. Tout le monde aspire à la paix avec impatience et voudrait la hâter. On ne saurait nier que la note néerlandaise, en la faisant dépendre de négociations qui ne pourraient pas s’ouvrir avant trois mois, ne l’ait renvoyée à une date qui paraît bien lointaine. Il y avait dans ce retard un argument pour le gouvernement britannique et il n’a pas manqué de le produire. Mais ce sont là, à ses yeux, des argumens de pure forme ; les vrais motifs de sa détermination sont ailleurs. En réalité, il ne veut pas négocier en Europe ; il veut le faire en Afrique.

La question n’a pas été posée pour la première fois par la note néerlandaise. Elle avait déjà été agitée auparavant en Angleterre, et le gouvernement avait dit ce qu’il en pensait. On n’a pas oublié le récent discours que lord Rosebery a prononcé à Chesterfield. Prenant la parole après un long silence, pendant lequel il avait pu observer, méditer, dresser un plan d’action, on s’attendait de sa part à des propositions nouvelles : il n’a effectivement pas manqué d’en faire. La plus remarquable de toutes a été précisément que, si l’on voulait aboutir à une prompte paix, il fallait négocier en Europe et non pas en Afrique. On avait sous la main M. Krüger ; pourquoi ne pas s’entendre avec lui ? Quoi qu’on eût pu dire sur son compte, rien n’autorisait à croire qu’il n’eût pas conservé, avec la confiance des Boers, son influence sur eux. Ses pouvoirs lui permettaient de négocier ; il fallait en profiter, et on pourrait par ce moyen atteindre le but par la voie la plus rapide. Mais la note néerlandaise a quelque peu affaibli la portée de la suggestion de lord Rosebery.

Que disait celui-ci ? Il disait qu’en négociant en Europe avec