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pas obligé d’en faire tes délices, mais il faut que tu saches rouler dessus et en prendre soin. Je ne te demande pas de jouer au polo, d’autant que cela me coûterait trop cher, mais il est nécessaire que tu puisses panser, seller et monter ce cheval dont tu auras peut-être à te servir à l’improviste. Je souhaite que tu n’aies de coups d’épée, de coups de poing ou de coups de revolver à échanger avec personne, mais tu vas t’y préparer tout de même. Je veux, en outre, que tu puisses ramer dans ce bateau et le vernir s’il en a besoin, et encore chavirer sans te laisser prendre sous lui. S’il gèle cet hiver, tu apprendras à patiner, et, à la première occasion, tu t’essaieras à manier une automobile ; puis, au lieu de grimper à une corde lisse dans un gymnase, tu vas accrocher celle-ci à la grille de ma fenêtre et descendre nos deux étages promptement, comme si tu avais à t’en aller d’une maison en flammes. Tant mieux, si tout cela t’amuse, et le contraire m’étonnerait, car c’est fort amusant. Mais, si cela t’ennuie, ce sera tout comme. On ne te demande pas tes préférences en littérature, en sciences naturelles, en mathématiques et en langues vivantes. Les élémens de ces choses sont tous également considérés comme indispensables à ton instruction générale, et, de même, je considère qu’il ne serait pas prudent de te lancer dans la vie sans que les muscles aient appris les élémens des mouvemens usuels. »

Ce speech consacrera le triomphe de l’éducation physique ; je le crois proche ; il se prépare tacitement en bien des esprits. Le jour où il se manifestera, le sport aura perdu, non pas son droit à l’existence, car il continuera de passionner les uns et de laisser les autres indifférens, mais son importance au point de vue de la force nationale.


Pierre de Coubertin.