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remercié plus tôt, si je n’avais fait une petite absence de Flavigny. Je suis allé passer quarante-huit heures à Dijon chez le nouvel évêque, qui m’avait invité à lui faire visite. Je l’ai trouvé dans son palais d’évêque tel que je l’avais connu dans sa cure de Compiègne. Les honneurs ne l’ont pas changé ; il est resté aussi simple, aussi affectueux, aussi dévoué. J’en étais sûr d’avance, parce que c’est un noble cœur, mais il m’a été doux de le constater par expérience. J’ai vu que je pouvais compter sur lui et qu’il saurait au besoin se servir de sa crosse pour me défendre.

Je continue, cher ami, ma vie laborieuse et solitaire ; et j’en goûte chaque jour la douceur et les bienfaits. Mon travail marche bien, et j’ai la joie, en finissant ma journée, de voir ma tâche plus avancée. Connaissez-vous une satisfaction plus douce et plus noble que celle-là ? Adieu, mon cher ami, je vous serre les mains avec tendresse.


Klavigny-sur-Ozerain, 13 juillet 1887.

Mon ami,

J’ai été heureux de votre petit mot de souvenir, et je vous en remercie de tout cœur. Comme ce sera bon, quand vous viendrez vous-même partager ma solitude, et vivre un instant de ma vie ! Je me réjouis de cette espérance, et dans mes courses à travers les bois, je songe aux chemins que je vous ferai suivre, aux sites que je veux vous montrer, aux sources renommées où je vous désaltérerai.

Les environs de Flavigny sont charmans, quand on les connaît par le menu. Il faudra vous munir d’une bonne paire de chaussures de marche, afin que vous ne vous fatiguiez pas inutilement dans les chemins de la forêt.

Voilà trois mois que je suis ici. J’y ai fait une grande somme de travail ; je n’ai pas été arrêté un seul jour, et cependant j’achève à peine mon troisième chapitre sur les Origines de Jésus. Mais, plus l’œuvre coûte, plus elle nous devient chère. Je mets à la mienne tout ce que j’ai de foi, de science, de patience et d’énergie.

Quand je lui aurai donné tout ce qui est en moi, je la livrerai au public qui la déchirera à belles dents, mais peu m’importe si elle réussit à communiquer à quelques âmes comme la vôtre mes convictions et ma foi !

Il est naturel, mon ami, que votre femme et vos filles