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adolescence, religieuse, J’avais seize ans lorsque je le vis pour la première fois…, il y a trente ans de cela, plus d’un quart de siècle. Je cueille à tous les coins ces souvenirs, comme des fleurs ton les fraîches et parfumées. Malgré les épreuves par lesquelles j’ai dû passer, je ne regrette rien et je recommencerais encore cette rude vie, dussé-je affronter les mêmes combats.

Ma dernière lettre, datée de Paris, 12 septembre, s’est croisée avec la vôtre. Je souhaite qu’elle vous soit parvenue avant votre départ et qu’elle ait rassuré votre amitié inquiète.

Les jours se passent rapidement, et l’heure de mon départ approche. Je vais demain à Dijon faire ma visite au nouvel évêque, qui m’attend. Je repartirai pour Paris le 26 septembre et j’ai grand’peur que vous ne soyez pas encore de retour quand je le quitterai. Il faut que je parte le 6, au plus tard, car je dois, avant de m’embarquer vers le 20, faire un petit séjour en Dauphiné et un pèlerinage au tombeau de ma mère. J’aime à venir prier sur cette pierre qui la recouvre et où il me semble l’entendre encore. Je veux espérer que nous nous reverrons, avant la longue absence qui nous séparera.

Jouissez de votre beau voyage d’Espagne. Je m’unis de cœur à vous et aux vôtres, et je partage vos admirations en face des monumens d’art de la vieille foi espagnole.

Adieu, très cher ami, que mon souvenir vous arrive comme un rayon de la patrie, avec ces lignes.

Je vous serre tendrement la main et je serre dans les vôtres celles de votre femme et de vos filles.


Paris, 30 septembre 1886.

Mon cher ami,

Notre départ de Marseille est fixé au 20 : huit jours plus tôt que je ne pensais. Il faut que nous soyons là dès le 17.

Me voilà obligé moi-même de quitter Paris le 5 à 7 h. 15 du soir, car j’ai à m’arrêter en Dauphiné pour y faire mes adieux à ce qui me reste de famille et pour y prier sur la tombe de ma mère.

Je n’ose plus caresser l’espérance de vous revoir avant ce grand voyage et cette longue séparation. Voilà la vie. Elle est faite de choses tristes qu’on ne peut éviter : et la grande vertu qu’elle demande, c’est toujours la résignation.

Je suis heureux, cependant, de penser que vous prenez pour