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de l’invasion de la Valteline, il était, pourtant, assez maître de lui pour ne pas se laisser entraîner au-delà.

Il se proposait surtout de rentrer dans la faveur du Roi. Or, Louis XIII était trop bon catholique pour confier jamais les affaires à un homme dont les sentimens à l’égard de l’Eglise n’eussent pas été sûrs. Marie de Médicis était dévouée, corps et âme, aux idées romaines. Enfin, l’évêque de Luçon faisait sa société habituelle de personnages appartenant au haut clergé et que leur foi active et leur ardeur religieuse recommandaient particulièrement à la faveur du Roi, à la piété des fidèles et à la confiance du Saint-Siège.

Au premier rang, les cardinaux de Retz et de La Rochefoucauld ; puis, son grand ami, l’archevêque de Sens, frère du cardinal du Perron, qui s’employait sans cesse à un raccommodement avec Luynes et à un rapprochement avec la Cour ; puis, le confesseur du Roi, ce bruyant et intempérant Père Arnoux qui, après l’avoir combattu, s’était pris, tout à coup, d’un beau zèle pour lui et ne se gênait pas pour le proclamer le futur chef du gouvernement ; puis, le fondateur d’une de ces congrégations qui allaient tant contribuer à restaurer, en France, la pureté des mœurs et de la doctrine parmi les membres du clergé, le fameux Père de Bérulle ; enfin, par-dessus tout, l’ami des premiers jours et des heures mauvaises, l’homme dont l’autorité, la valeur, le désintéressement, le prosélytisme fougueux eussent fourni, au besoin, caution suffisante, le Père Joseph.

Essayons de préciser, dès maintenant, le véritable rôle du Père Joseph. C’était un homme plein de foi, un enthousiaste, un imaginatif. Ses vertus religieuses dépassent la mesure commune. Il fut un fondateur d’ordre, un directeur de conscience admirable, un écrivain abondant et souvent heureux ; et, en plus, il reste, auprès de son ami, une très remarquable personnalité politique. Il consacra la première partie de sa vie à la réalisai ion d’une entreprise qui n’aboutit pas et qui ne pouvait pas aboutir, une croisade nouvelle contre le Turc. Mais, la seconde partie, il la dévoua à l’exécution des desseins du grand ministre qu’il avait su reconnaître, avant tout le monde, et auquel il resta, seul peut-être, fidèle jusqu’à la fin. Il fut, pour Richelieu, un appui sans pareil et un instrument unique, — puissant et souple. On dit que Fancan écrivit sous l’inspiration du prélat : et le Père Joseph ? Les archives sont pleines des documens où