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Machiavel. Il écrivait beaucoup, comme un homme à qui les écritures coûtent peu, et rapportent. Cependant, pour tenir un tel langage, il fallait qu’on lui eût laissé prendre d’autres libertés. Un peu plus tard, quand Richelieu parvint aux affaires, Fancan lui adresse encore des « avis, » des mémoires politiques. Le ministre les recevait avec plaisir ; il les demandait même. Fancan était donc admis dans son cabinet ; il travaillait avec lui ; il écrivait pour lui, et notamment sur les sujets de politique extérieure.

Et c’est ici que la difficulté se complique encore. Il faut lever maintenant le dernier voile qui couvre cette étrange personnalité. Nous pénétrons, ce qui est si rare en histoire et en politique, dans le domaine ténébreux où s’agitent les agens occultes de la politique internationale. Nous avons dit que, si Fancan avait pris de l’influence sur Richelieu, c’est, certainement, par la connaissance, rare en ce temps-là, qu’il avait des affaires européennes. L’évêque était avide d’entendre un homme qui savait bien les choses et qui avait l’art de les expliquer.

Or, ce conseiller, cet agent, ce confident, avait les raisons les plus particulières d’être bien renseigné. Car il représentait, en France, des intérêts étrangers. Il avait, certainement, les relations les plus étendues avec tout le monde protestant et, par un double jeu où les ténèbres se recouvrent de ténèbres, il était aussi en rapport avec le parti adverse. Fancan restera, dans l’histoire, un type remarquable de l’agent secret : adresse, hardiesse, sang-froid, duplicité, immense et permanente intrigue, avec l’intensité d’action et d’émotion que donne un si délicat et si redoutable maniement.

Quelques années plus tard, quand Richelieu le fit mettre à la Bastille, — où il ne tarda pas à mourir bien inopinément, — on saisit ses papiers, et on dressa un inventaire, publié récemment par M. Kügelhaus ; or, voici ce qu’on découvrit : Fancan entretenait une correspondance des plus actives avec les chefs du protestantisme dans les Pays-Bas, en Suisse, en Hollande, en Angleterre. Et quelle correspondance ! Il offre ses services au Palatin. Il écrit à Mansfeld, le grand chef des armées huguenotes, disant « qu’il ne lui écrit souvent, crainte que les lettres ne tombent en mains étrangères ; dit encore qu’il appuie tant qu’il peut ses intérêts, mais que, souvent, il se trouve faible contre les factions contraires ; dit qu’il a assez fait