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et actifs. Il était frappé du danger que faisait courir au royaume l’abandon de la politique traditionnelle de Henri IV. Il voulait la France grande. Or, alliée et satellite de l’Espagne dans la campagne de restauration catholique, elle ne pourrait être que subalternisée et diminuée. Il était partisan déclaré de la tolérance religieuse. Son titre d’évêque et même sa candidature au cardinalat n’étaient pas des obstacles : oh citait bien des hommes publics, comme le cardinal Duprat et le fameux cardinal Georges d’Amboise, à qui leur indépendance envers le Saint-Siège n’avait pas si mal réussi.

Mais, de tout cela, fallait-il conclure que ce prélat, cet ami de la Reine-Mère, ce porte-parole du clergé dans les États de 1614, allât jusqu’à lier sa fortune à celle des ennemis déclarés de la politique catholique ? Pensait-il à prendre réellement, au dedans et au dehors, la défense des huguenots ? Si oui, quelle imprudence, et que de contradictions ! Si non, comment expliquer ses relations journalières avec les pamphlétaires qui se réclamaient de lui ? Comment nier la présence, dans son cabinet, de personnages louches qui se donnaient pour ses inspirateurs et pour ses confidens ? Grand embarras pour les contemporains ; et même, il faut l’avouer, grande difficulté pour l’histoire.


III. — LES CONSEILLERS INTIMES. — FANCAN ET LE PÈRE JOSEPH

A demi perdue jusque-là, dans l’entourage de l’évêque, une figure a été récemment signalée par un érudit mort prématurément, M. Geley, qui prétendit même la tirer au premier plan. Il s’agit d’un personnage singulier, énigmatique. En raison de l’importance des affaires auxquelles il a été mêlé et de la puissance des ressorts qu’il fit agir, on peut se demander s’il ne fut pas, en France, un des agens occultes de ces grands partis rivaux qui, à cette époque, divisaient l’Europe.

Homme actif, entreprenant et ingénieux, écrivain plein de verve, interlocuteur persuasif et entraînant, politique fécond en ressources, en ruses, en tours et détours, touchant à tout, touchant partout ; curieux, perspicace, d’allure ardente et plein de sang-froid, gardant, au milieu de ses transformations et de ses avatars cachés, une manière d’autorité et un ton de conviction ; si bien que ce n’est pas un de nos moindres embarras que de le voir s’adresser en termes familiers à un homme qui, comme