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marocaine » est posée ; le fait même de l’isolement du Maroc dans une Afrique partagée, les événemens du Touât et surtout le bruit qu’en a fait la presse européenne, l’affaire Pouzet, les ambassades marocaines à Londres et à Hambourg, à Paris et à Saint-Pétersbourg, les récens démêlés avec l’Espagne, les ambassades britannique et française actuellement en route, ont poussé peu à peu la « question d’Occident » au nombre des préoccupations actuelles de l’opinion et des gouvernemens. La solution que, l’année dernière, certains journaux étrangers affectaient de croire imminente, peut être encore très éloignée, comme elle peut être très proche ; mais, dès maintenant, les intérêts en présence apparaissent nettement et le moment est venu de les étudier. Pour l’honneur et la paix de l’Europe, il serait néfaste que les affaires marocaines pussent dégénérer en une de ces sempiternelles « questions » autour desquelles s’essoufflé, depuis si longtemps, la diplomatie des grandes nations.

Toutes les Puissances, ou presque toutes, ont quelque intérêt à sauvegarder dans les parages du Maroc, soit qu’elles continent à ses frontières, comme la France et l’Espagne, soit qu’elles fassent avec lui du commerce, comme l’Angleterre et l’Allemagne surtout, soit que leurs bâtimens de guerre et de commerce passent en vue de ses côtes. Et voilà, dans cette simple énumération, énoncés les trois aspects de la « question marocaine. »

Si l’opinion publique, dans la plupart des grands pays, se montre inquiète et nerveuse dès qu’un incident survient au Maghreb ; si les représentans des Puissances, à Tanger, se surveillent les uns les autres avec tant de jalouse âpreté, c’est que le passage le plus fréquenté du monde, le détroit de Gibraltar, est marocain par l’une de ses rives. Le Djebel-Mousa, qui domine, de plus de 850 mètres, l’étranglement le plus étroit du canal, est en territoire marocain. Aussi voit-on toutes les nations commerçantes, alors qu’elles auraient un intérêt évident à l’ouverture de l’empire des Chérifs au trafic universel, s’opposer avec énergie à ce que l’une d’elles assume la charge de l’administrer, d’y faire régner la sécurité, d’y créer des ports et des voies ferrées ; toutes redoutent que celle qui dominerait au Maroc, ne soit tentée, en cas de guerre, d’entraver la navigation dans le détroit.

Ainsi, la « question du détroit » est impliquée dans celle du Maroc. Aucune puissance ayant une flotte et des intérêts sur mer, pas plus les États-Unis ou le Japon, que l’Allemagne, la