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semble pas non plus que l’on puisse, en l’abaissant pour des représentations à bon marché, s’adresser à un public plus étendu et augmenter ainsi le total des recettes annuelles. L’expérience a été tentée, il y a huit ans : le fauteuil d’orchestre avait été réduit de 14 francs à 2 fr. 50 et les autres places à proportion. Malgré les avantages énormes faits à la classe populaire, celle-ci s’est abstenue. Le directeur, M. Bertrand, propriétaire d’une cité où existaient beaucoup d’ateliers, fit offrir dans les usines, par les contremaîtres, ses locataires, des places à un franc. Elles ne furent pas prises par les ouvriers ; il fit offrir ces mêmes places pour rien, elles ne furent pas davantage acceptées. Il y vint, au contraire, nombre de spectateurs habitués de l’Opéra et, ce qui le prouve, c’est que, pendant toute la durée de cet essai, les soirées à plein tarif tombèrent de quelques milliers de francs et revinrent ensuite à leur chiffre antérieur. Seulement l’épreuve se soldait par 550 000 francs de perte.

Il est vrai que l’ancien Théâtre-Lyrique de la place du Châtelet, même subventionné, même brillamment conduit, puisque Faust, Roméo et Juliette, les Dragons de Villars, y parurent pour la première fois, appauvrit bien davantage ses imprésarios : l’un y laissa 1 000 000 francs on cinq ans ; un autre 500 000 francs en dix-huit mois ; et, dans l’ensemble des directions, on n’y releva pas moins de douze faillites ou liquidations désastreuses.

Faust continue, quels que soient les interprètes, de faire encaisser aujourd’hui des sommes voisines du maximum. Il équivaut à un supplément de subvention ; aussi est-il joué une trentaine de fois par an. Après lui, les plus fortes recettes sont dues aux opéras de Wagner représentés 40 fois, à ceux de Meyerbeer 32 fois, de Mozart, Méhul, Donizetti et Rossini 33 fois. Si l’on y joint Verdi, Berlioz et Ambroise Thomas, dont les œuvres ont occupé 17 soirées, on arrive à un total de 152 représentations sur 192 données au cours d’une année. C’est en musique surtout que l’humanité se compose de plus de morts que de vivans. Des 42 opéras inédits, montés depuis un quart de siècle, en vertu du cahier des charges qui exige 6 actes nouveaux par an, on n’en peut guère citer plus de deux ou trois qui aient réussi ; car telle œuvre de compositeur français, qui attire la foule à Paris, nous était venue de Bruxelles ou d’ailleurs.

Seulement les 40 autres ont coûté chacun environ 160 000 fr. ; les débours sont en effet très variables, — de 80 000 francs pour