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location ou au bureau, et chacun conserve le talon du billet à souche, à lui délivré, qui sert de contremarque. Chez ces nations privilégiées, les vestiaires, installés dans des locaux suffisamment vastes, n’encombrent pas les corridors, déjà fort étroits, de façon à les obstruer à certains momens.

Il ne nous est point permis d’espérer chez nous pareil régime, parce qu’il porterait préjudice à la classe intéressante des « ouvreuses. » L’ouvreuse se fait de 1 fr. 50 à 4 francs par soirée suivant les étages ; un roulement régulier, entre les différens postes, envoie demain aux dernières galeries celle qui était hier aux avant-scènes. Loin de toucher un salaire, l’ouvreuse doit au théâtre une redevance mensuelle, payable d’avance, de 40 à 60 francs, et dépose en outre un cautionnement. Car on leur confie souvent des manteaux et fourrures de valeur ; on leur confie de tout, au reste, même des bébés de six mois à qui elles donnent le biberon pendant trois heures.

Quoique faiblement productif, l’emploi est très sollicité : d’assez humbles scènes comptent 250 à 300 demandes inscrites, attendant leur tour. Avant de passer « titulaires, » les postulantes font, comme « surnuméraires, » les remplacemens, toujours hasardeux, et viennent à cet effet plusieurs soirs de suite inutilement au théâtre. Dans les salles subventionnées, ces places sont dues à de hautes influences ; à l’Opéra, surtout, où il n’est exigé par l’administration aucun versement, et où les mêmes bonnets roses desservent toujours les mêmes séries de loges, une nomination d’ouvreuse des premières ne suppose-t-elle pas des interventions augustes ?


VII

Il est vrai qu’à l’Académie nationale de musique, les ouvreuses ne sont point seules à pouvoir invoquer des patrons secourables. Il est d’autres sujets sur qui des hommes puissans jettent un regard tutélaire. C’est en tout temps la rançon des théâtres de cour, d’avoir à traiter avec le monde officiel, — qu’il soit de droit divin ou électif, — des questions qui ne sont pas du domaine de l’art, mais qui ont des corollaires politiques.

Bien que le goût de la musique sérieuse se soit développé en France depuis une quarantaine d’années, tandis que le nombre des salles où elle s’exécute a diminué, par suite de la disparition