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recette brute, dont le délégué de la Société des Auteurs prélève pour sa part le huitième. L’encaisse est ainsi allégé de 22 pour 100. Les plus gros chapitres de dépenses sont, avec ceux-ci, le loyer, qui, joint aux assurances, est souvent supérieur à 100 000 francs, l’éclairage et surtout la troupe, restreinte, mais largement rétribuée dans les salles de vaudeville et d’opérette, modestement payée, mais d’effectif imposant sur les scènes de féerie, où grouillent 600 et 700 personnes. Il en coûte 3 000 fr. pour monter une comédie en trois actes ; pour mettre sur pied la Poudre de Perlimpinpin, ou toute autre grande « machine, » légère comme prose, mais excessivement lourde comme frais, il faut débourser jusqu’à 350 000 francs.

De ce personnel qui émarge au budget d’un théâtre, une partie ne voit jamais le public, une autre ne le voit que de loin, à travers la rampe, lorsque 1 500 têtes immobiles semblent se confondre en une seule, colossale, dardant des yeux fascinateurs. Seuls les employés de la salle, contrôleurs, inspecteurs, ouvreuses et buralistes, ont avec chaque spectateur des rapports directs. Les contrôleurs ordinaires, pour la plupart commis d’administrations diverses durant le jour, améliorent leur budget en venant siéger placidement le soir dans le vestibule du théâtre. Leur présence n’y serait pas indispensable et leur rôle d’assesseurs est plutôt passif aux côtés du contrôleur en chef. A celui-ci incombent des besognes multiples : discussions avec les gens mécontens de leur place, avec les familles qui se sont trompées de jour, avec les faux journalistes qui revendiquent des’« entrées » illusoires, avec le « double emploi, » furieux de voir son fauteuil occupé par l’erreur de la buraliste qui a délivré deux fois le même coupon. Il lui faut discerner à première vue les personnes « à qui l’on doit des égards, » s’armer de courtoisie vis-à-vis des grincheux, et tantôt trouver le moyen de caser encore du monde lorsqu’il semble que ce soit chose impossible, tantôt disposer les arrivans, si la salle est à moitié vide, de manière à lui donner une apparence bien garnie.

Ce personnage de confiance exercerait aisément ses fonctions sans trôner derrière un comptoir que plusieurs directeurs de Paris ont déjà fait disparaître et qui n’existe pas à l’étranger. En plusieurs pays voisins, la « queue » du public, qui se mouille ou grelotte à la porte, est inconnue ; la salle y est accessible longtemps avant le lever du rideau. Les prix sont les mêmes en