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exigent l’abandon de toutes choses, le choix de la défaite et de la peine, si la pensée ou la volonté doivent s’en trouver enrichies.

Donc, l’amour guide la pensée et la pensée prépare l’action, de telle sorte qu’en fait, la vraie puissance de l’homme, c’est le caractère. « Que votre action suive votre connaissance, et la perception fait place au caractère. » Quand ce pouvoir est dans un homme, il en déborde toutes les énergies ; il est une virtualité que nulle réalisation n’épuise. « Celui qui en use semble participer de la vie des choses et être l’expression des mêmes lois qui régissent les marées et le soleil, les nombres et les quantités. Il a conscience d’être l’agent et comme le compagnon de jeu des lois originaires du monde. C’est là un pouvoir naturel comme la lumière et la chaleur et il opère par des lois parallèles à celles de toute la nature. » Ainsi se trouve justifiée la confiance en soi. L’individualisme est érigé sur une base solide, et l’évangile d’Emerson, en disant à l’homme : « Crois en toi-même, » va frapper la corde d’airain qui vibre au cœur de tous ses concitoyens d’Amérique.

Il fonde en même temps la solidarité entre les individus. « Une nation d’hommes existera pour la première fois, parce que chacun se croit inspiré lui-même par l’Ame divine qui inspire aussi tous les hommes. » En approfondissant les secrets de son propre esprit, chacun descend dans les secrets de tous les esprits. Plus avant il plonge en lui-même, plus la vérité qu’il y trouve est publique et universelle. Quand nous obéissons à l’impulsion du caractère, nous agissons pour nos semblables beaucoup mieux que par des services maladroits ou une philanthropie impuissante. « La volonté de ceux qui sont vrais coule de leur nature dans celle des autres, comme l’eau d’un plateau coule dans la vallée. On ne peut pas plus résister à cette force naturelle-là qu’aux autres forces naturelles. Il y a un ordre moral aussi sûr que, l’ordre physique. » Le sentiment de cette force et de cette solidarité calme la fièvre d’action, apaise et rassérène. Nous comprenons que nos pénibles travaux sont inutiles et infructueux et qu’en nous bornant à obéir à la loi suprême, nous devenons divins. « Toute réforme tend à frayer à la grande âme sa voie à travers nous. » Que notre amour croyant l’adore et lui obéisse. Alors le travail, la société, les lettres, les arts, les sciences, la religion, iront beaucoup mieux « et le paradis, prédit depuis