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début, la charge de gouverner et de combattre qu’ils s’arrogèrent le privilège de l’oisiveté. C’est pour une raison analogue que les bourgeois riches abandonnèrent le travail aux pauvres et aux esclaves. C’est pour avoir le temps de remplir tous leurs devoirs civiques que les pauvres eux-mêmes revendiquèrent, à la fin, le droit au repos et le droit à la propriété. A mesure qu’une couche d’individus arrivait à la vie publique, elle tâchait de se délivrer des préoccupations de la vie matérielle, et le travail descendait d’un degré dans la hiérarchie sociale chaque fois qu’une, classe nouvelle montait d’un degré dans la hiérarchie politique ; si bien qu’après l’avènement de la démocratie pure, toute la besogne retomba sur les étrangers et les esclaves, c’est-à-dire sur des gens qui étaient absolument en dehors de la cité. Puisque l’Etat prétendait absorber toute l’activité du citoyen, il était légitime qu’il nourrît ceux d’entre eux qui n’avaient point de ressources propres ; car c’était là aussi un travail qui réclamait un salaire. Il ne put assumer une dépense si lourde, et il obligea par cela même les pauvres à courir sus aux riches, à les dépouiller de leurs biens, et à déchaîner sur la Grèce les épouvantables violences où s’abîma sa prospérité et où périt son indépendance.


PAUL GUIRAUD.