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la moyenne propriété. Ceux-ci ne pouvaient évidemment pas bêcher ni labourer le sol, même s’ils avaient le goût du travail ; ils donnaient plutôt des ordres et en surveillaient l’exécution. Beaucoup ressemblaient à ce Strepsiade des Nuées « qui vivait heureux à la campagne, sans gêne et sans souci, riche en abeilles, en brebis, en olives, » et qui se couchait la nuit avec une forte odeur « de lie de vin, de fromage et de laine ; » ou encore à cet Ischomachos que Xénophon, dans son Economique, nous montre au milieu de son personnel, offrant à tous un modèle achevé de compétence et d’activité. Tous ces gens-là avaient à leur service des ouvriers libres et des esclaves. L’ouvrier libre se louait, tantôt à la journée, tantôt pour plusieurs semaines ou pour plusieurs mois ; mais il paraît avoir été peu employé. La main-d’œuvre servile abondait en Attique, et habituellement elle n’était pas chère : 200 francs représentaient le prix normal d’un esclave rural.

Dans l’industrie, on constate le même dualisme que dans l’agriculture.

Il y avait à Athènes une multitude de petits artisans, exerçant à peu près tous les métiers. Socrate s’étonnait un jour qu’un jeune homme n’osât pas prendre la parole devant le peuple, et il lui disait qu’une réunion de cordonniers, de foulons, de maçons, de forgerons, de marchands, de brocanteurs n’était pourtant pas un auditoire si difficile. A côté des citoyens, une place considérable était réservée aux étrangers, et on ne remarque pas que jamais l’Etat ait favorisé les premiers au détriment des seconds ; quand il ouvrait un chantier, il y admettait indifféremment les uns et les autres. Son unique préoccupation en pareil cas était de morceler le plus possible les adjudications et de les rendre abordables même aux tâcherons. Cette tendance se manifeste jusque dans l’exploitation des mines. L’aspect des galeries et des laveries encore visibles dans la région du Laurion prouve que les concessions étaient extrêmement divisées. On cite un individu qui acquit la sienne pour la somme dérisoire de 150 francs, et il n’est pas sûr que ce fût là un chiffre exceptionnel. A en juger par les documens, l’artisan travaillait presque toujours pour l’Etat ou pour le public ; il était rare qu’il fût embauché par un patron. Sauf dans quelques industries, comme celle du bâtiment, il demeurait dans sa boutique, et là il était à la fois producteur et vendeur. Il trouvait des auxiliaires dans sa famille :