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demeurée une contrée pauvre, repliée sur elle-même, et réduite aux ressources d’une agriculture qui n’était pas toujours bien rémunératrice. C’est la démocratie qui, en l’orientant vers l’industrie, vers le commerce et vers la mer, fut la cause première de sa prospérité ; c’est elle qui lui montra sa véritable destinée ; c’est elle enfin qui lui ouvrit le domaine où les qualités de cette race devaient trouver leur plus utile emploi.


III

L’égalité civile et politique n’entraîne pas nécessairement l’égalité sociale. En Grèce, même au moment où la démocratie était dans toute sa force, il y avait des classes déterminées, sinon par la naissance, du moins par la fortune. Riches, gens aisés, pauvres, indigens, ce fut là une division des citoyens qui survécut à toutes les réformes, sans être toujours inscrite dans la loi. Or, il est clair que ces diverses catégories d’individus n’entendaient pas le travail de la même façon. Ce sont ces divergences que je voudrais noter, en prenant pour type la république athénienne au Ve et au IVe siècle.

La propriété foncière avait depuis longtemps perdu son caractère originel. Les règles qui jadis la rattachaient solidement à un petit nombre de familles avaient à peu près disparu, et les biens circulaient de main en main. La donation, le testament, l’hypothèque, la vente, en mettant le sol à la portée de tous, l’avaient morcelé au point que, vers l’année 400 avant Jésus-Christ, 15 000 citoyens sur 20 000 possédaient un immeuble rural en Attique. L’acquisition de la terre restait pourtant interdite à deux sortes de gens, en dehors des esclaves. Les étrangers, même ceux qui avaient élu domicile dans le pays, et les affranchis, qui leur étaient complètement assimilés, n’avaient point qualité pour devenir propriétaires fonciers, et si, par une faveur tout à fait exceptionnelle, l’État leur octroyait ce privilège, la loi limitait à 2 000 francs la valeur des maisons et à 12 000 la valeur des terres qu’ils pouvaient acheter. Dans le domaine industriel et commercial, il n’existait pas de ligne de démarcation semblable. Aucune barrière ne se dressait ici entre les citoyens et les étrangers. Les uns et les autres étaient libres de choisir la profession qu’ils voulaient, au gré de leur fantaisie ou de leurs