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par les transports nouveaux qu’apporte au chemin de fer le développement industriel des régions pourvues de voies navigables. D’abord ce développement n’est, dans bien des cas, que la résultante d’un déplacement de trafic, dû à ce que les industries, et surtout les marchés de produits étrangers, viennent s’établir de préférence sur les cours d’eau, pour bénéficier des prix de transports réduits que permettent l’absence de péages sur les voies naturelles et la perception de péages minimes sur les voies artificielles. Le chemin de fer perd ainsi en totalité dans une région le trafic qu’il ne retrouve qu’en partie dans une autre, le reste allant à la voie d’eau. C’est également de ce détournement de trafic, soit dans l’étendue d’un même réseau, soit au préjudice d’un réseau voisin, que résulte la prospérité de certaines grandes gares, à la suite de leur jonction avec une voie navigable. La multiplicité de ces jonctions, que l’on a interprétée parfois comme un indice de l’entente qui existerait entre les deux moyens de transport, est due en réalité à la concurrence que se sont faite jadis les compagnies privées et que se font encore aujourd’hui les réseaux des divers États de l’Empire germanique, avec l’aide des voies navigables.

La situation de la navigation intérieure allemande, envisagée aux divers points de vue qui précèdent, n’est donc nullement celle dont certains discours ou écrits ont, en France, tracé le tableau complaisant ; il n’est pas plus exact de prétendre que cette situation va être améliorée à bref délai. Sans doute, un important projet de canaux a été conçu par le gouvernement prussien, à l’instigation des principaux industriels et négocians importateurs. Mais ce projet a été repoussé à deux reprises par le Parlement, et il est douteux qu’il reçoive dans l’avenir l’adhésion des députés qui lui ont été jusqu’ici hostiles. Car cette opposition est due non seulement à des causes politiques, mais aussi, pour une bonne part, aux graves objections d’ordre économique et financier que soulève un tel projet.

Il ressort, en effet, tant des déclarations formulées à la Chambre que des travaux d’économistes et d’ingénieurs allemands, que la construction de nouveaux canaux aggraverait une situation qui est déjà très préjudiciable à la majorité des contribuables. Si les voies navigables favorisent les grandes villes, les gros industriels, les régions auxquelles la nature a déjà prodigué toute sorte d’avantages, en revanche elles n’existent pas