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les plus convaincus et les plus autorisés de la navigation que nous emprunterons la réponse. « Une voie navigable artificielle, a dit M. Sympher[1], n’est justifiée, au point de vue économique, qu’autant que les deux conditions suivantes sont remplies :

« 1° En assurant à meilleur marché des transports qui s’effectuaient déjà, ou en permettant le transport de nouvelles marchandises, en créant ou en mettant en valeur de nouvelles industries, la voie navigable doit procurer un avantage tel que non seulement les frais d’entretien et d’administration ainsi que l’intérêt du capital d’établissement soient couverts, mais aussi les pertes pouvant résulter pour les autres moyens de transport de la création de la voie nouvelle. Comme conséquence, cette voie doit être en état de supporter, — si c’est nécessaire, — des taxes suffisantes pour couvrir les frais d’entretien et les charges du capital.

« 2° Les avantages à attendre de la nouvelle voie ne peuvent être mieux obtenus d’une autre manière. »

En admettant même que le projet du gouvernement satisfasse à la première de ces conditions, ce qui est déjà très contestable, il ne satisfait certainement pas à la seconde. Car le problème économique qui a été posé comporte, d’après ce que nous avons vu, une meilleure solution, qui consiste à compléter le réseau des voies ferrées, s’il est insuffisant, et à y abaisser les tarifs, s’ils sont trop élevés. Non seulement la situation financière des chemins de fer de l’Etat, qui rapportent plus de 7 pour 100, le permet, mais on pourrait presque dire qu’elle l’exige, car elle équivaut en fait à la perception d’un impôt de transport qui n’a jamais été prévu par la loi. En tout cas, cette solution serait infiniment moins coûteuse que celle qui consisterait à créer avec les deniers publics des voies navigables, aux usagers desquels on ferait cadeau d’une partie des frais de transport, et qui feraient concurrence aux chemins de fer de l’Etat. Elle serait aussi beaucoup plus équitable, car elle profiterait à tout le monde, puisque tout le monde se sert aujourd’hui du chemin de fer, tandis que les fleuves et les canaux ne sont et ne seront jamais accessibles qu’à la minorité de la population.


Au cours de notre étude, nous nous sommes efforcé d’envisager tous les aspects de la question, si complexe, des voies

  1. Rapport au 5e Congrès de la navigation intérieure.