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Aussi n’est-ce pas seulement les représentans des intérêts agricoles qui ont protesté contre le projet de canaux ou demandé éventuellement des compensations. Nous avons déjà cité les quatre Chambres de commerce d’Hambourg, Altona, Harbourg et Emden. Les Chambres de commerce de Breslau, d’Oppeln, de Scheindnitz, l’Union minière et métallurgique de la Haute-Silésie, ont fait entendre également leurs réclamations et demandé des dédommagemens sous forme de canaux et de tarifs réduits de chemins de fer. Une opposition particulièrement vive s’est manifestée contre le projet en Saxe, où le commerce des charbons se serait trouvé menacé par la double concurrence des charbons anglais et des lignites de Bohême : aussi la province a-t-elle refusé la garantie financière que le gouvernement prussien lui demandait comme aux trois autres provinces intéressées. Citons encore la Chambre d’industrie de la Saar, qui a combattu d’une manière générale le développement de la construction des canaux[1]. Enfin le collège royal d’Economie politique de Prusse s’est également prononcé- contre le projet, dans une réunion tenue le 4 février 1898, bien que l’Empereur fût présent et que les ministres de l’Agriculture et des Travaux publics eussent fait valoir en personne leurs argumens.

Aux objections d’ordre économique viennent s’en ajouter d’autres, non moins graves, d’ordre financier. Il s’agit d’une dépense considérable, qui grèvera d’une manière inquiétante le budget de l’Etat et celui des provinces. On compte, il est vrai, sur le produit des péages pour faire face aux charges du capital dépensé ; mais cette espérance est aléatoire et repose sur des évaluations fantaisistes. D’abord le trafic n’atteindra pas les chiffres que l’on fait figurer sur le papier : l’exemple du canal de Dortmund à l’Ems est significatif à cet égard. Il ne faut pas oublier que les péages prévus sont très élevés : s’ils sont maintenus, ils ne permettront pas au trafic de prendre de l’extension. Mais, ici encore, l’exemple du canal de Dortmund permet de prévoir ce qui arrivera : les intéressés feront valoir que les péages perçus sont prohibitifs et empêchent la voie nouvelle de rendre les services qu’on en attendait. Ils demanderont et obtiendront une diminution des taxes, et la rémunération des dépenses de l’État ne sera pas plus assurée par l’augmentation du trafic

  1. La question de la construction d’un canal du Rhin à la Weser et à l’Elbe, par Richard Mohs. Berlin, 1899.