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de cet acte sur la résolution de faire la guerre « contre les rebelles du dehors et du dedans. » Montmorency, à la suite de l’affaire de Privas, met le siège devant Vallon en Vivarais. A Tours, le temple est ruiné et des huguenots massacrés ; le député des Eglises, Favas, a soumis au Roi, dès le 24 mars, les demandes dernières du parti, comme une sorte d’ultimatum. Le Roi ne peut plus reculer. Il refuse de répondre au cahier tant que l’Assemblée, obéissant à ses ordres, ne se sera pas dissoute. Un conseil, tenu à Fontainebleau, le 17 avril, opine pour la guerre. On décide de rassembler une armée de 40 000 hommes de pied et de 6 000 chevaux.

Cependant, le Roi hésiterait peut-être encore à prendre les armes, par crainte des complications extérieures. Mais c’est l’heure où le Conseil d’Espagne, avec une habileté consommée, fait la concession apparente du traité de Madrid (15 avril).

Est-ce donc la main de la diplomatie espagnole, experte à ce double jeu, est-ce plutôt la main des protestans d’Allemagne que l’on retrouve dans les exigences croissantes des protestans de France ? Quoi qu’il en soit, de leur côté, ils marchent vers l’abîme avec un aveuglement effroyable. Le 12 avril, l’Assemblée de La Rochelle charge neuf de ses membres, choisis parmi les plus violens, de travailler à « l’ordre général, » c’est-à-dire, selon le vocabulaire du temps, au plan de campagne. Et c’est cet « ordre général, » voté le 10 mai, qui contient la fameuse division de la France en huit départemens ou huit cercles, et qui organise le pays tout entier en une sorte de confédération politique et militaire, debout en face de la royauté.

L’Assemblée générale est constituée souveraine. Elle décide de la paix et de la guerre, donne des commissions pour lever des troupes, nomme le général en chef et les officiers, décide la levée d’auxiliaires étrangers, perçoit les deniers royaux, gère et administre, avec l’aide des conseils provinciaux, les provinces arrachées à l’autorité du prince. C’est, pour le temps de guerre du moins, une sorte de proclamation d’indépendance politique.

L’Assemblée scellait ses actes d’un sceau à ses armes. Elle fondait, comme les catholiques le lui ont tant reproché, « la République des Prétendus Réformés, » ou, plus exactement, selon la parole de Richelieu, elle constituait un État dans l’État.

Ce fut comme un cri de rage par toute la France, quand on apprit que l’unité du royaume était, une fois encore,