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Le même jour, le Roi se porte sur la place de Navarreins, qui est la véritable citadelle du parti réformé, en Béarn. Il l’occupe sans coup férir et remplace le vieux gouverneur, du Lan, par un royaliste ardent, ennemi juré de La Force, le baron de Poyanne.

Ces succès réitérés, ces actes de fermeté décident les babi-tans, qui, jusque-là, n’avaient osé se montrer. Dans les campagnes, les catholiques étaient nombreux. Ils ne contenaient plus leur joie, se sentant délivrés d’une si longue oppression : « En revenant de Navarreins, le Roi arriva à Pau, trouvant tous les chemins couverts de peuples qui lui rendaient mille grâces de son voyage et lui souhaitaient toutes sortes de prospérité en leur langage. »

Le 19, la situation politique du Béarn était définitivement réglée. Pour briser toute résistance éventuelle à main armée, « on supprime la milice des Persans, qui sont comme colonels de la milice dudit pays qui revient jusqu’au nombre de huit mille hommes armés pouvant être convoqués sans la permission du Roi. » C’est le dernier rempart de l’autonomie de la province qui s’écroule.

L’Assemblée des États fut reconstituée et les évêques et abbés y reprirent leur place ancienne et notamment la présidence des séances. La Navarre et le Béarn furent déclarés, par édits immédiatement vérifiés, unis et incorporés à la couronne de France. On créa, à Pau, un parlement ayant juridiction sur la nouvelle province. Les députés des États prêtèrent serment à genoux entre les mains du roi de France.

Messe, procession, cérémonies religieuses, fondation d’un couvent de capucins, installation d’un collège de Jésuites, la victoire fut complète et cimentée pour l’avenir. C’était deux siècles d’histoire effacés sur la terre de Jeanne d’Albret ; c’était la maison de Bourbon venant elle-même, au berceau de Henri IV, désavouer l’erreur de ses ancêtres. Mais c’était aussi une nouvelle province fondue dans l’unité nationale ; c’était une frontière dangereusement ouverte, soumise, désormais, à la vigilance et à la discipline royale ; c’était le Béarn, huguenot et séparatiste, absorbé par la conquête française, tolérante et centralisatrice.

Le roi Louis XIII quittait Pau, et, faisant chemin à grande hâte, il rentrait à Paris, le 7 novembre, à l’improviste ; il y était reçu, comme bien on pense, par l’acclamation universelle. Ce fut un beau moment pour Luynes. Il trouvait à Paris sa jeune femme