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places du Nord-Ouest à discrétion, les troupes du Roi grossies par celles de Bassompierre, la marche sur Angers, la bataille des Ponts-de-Cé, el, enfin, le traité de Brissac, qui rompait les mesures de la rébellion et laissait au Roi le chemin libre pour s’avancer dans le Midi.

Nous voici donc en août 1620. Le Roi quitte Brissac. Il se porte sur Poitiers à la tête de son armée victorieuse. Luynes l’accompagne. Celui-ci est embarrassé dans sa victoire. Il sent, autour de lui, le parti de la guerre qui grandit. Il est aux écoutes de ce qui se passe en Allemagne ; il appréhende le résultat de la fameuse ambassade qu’il a envoyée au secours de l’Empereur. Il reçoit de mauvaises nouvelles de la Valteline. Que faut-il faire ? Marcher sur le Midi, c’est peut-être la rupture suprême et la guerre civile. Renoncer, rentrer à Paris, c’est s’incliner devant la superbe des huguenots et laisser péricliter l’autorité du Roi.

Un moment, les Réformés du Béarn, avertis par les succès du Roi, comprennent leur erreur. Voilà qu’à Poitiers, on voit leurs délégués arriver, le 8 septembre. Ils se soumettent. Avant tout, il faut empêcher le Roi de venir, lui-même, dans la province, briser les résistances. Comme le langage est soudain changé ! « Sire, nous nous rangeons auprès de vous et vous rapportons entièrement notre intégrité et protestons à Votre Majesté que nous sommes prêts à recevoir vos commandemens, à suivre vos volontés et rendre le bien (c’est-à-dire les biens ecclésiastiques) dont nous avons joui jusqu’à présent. »

Mais alors, c’est le tour du parti catholique. Victorieux, il ne lâche pas sa proie. Condé le représente auprès du Roi. Il réclame hautement l’achèvement de la campagne par l’anéantissement des Réformés du Béarn. D’ailleurs, toutes les fortes têtes du parti sont mobilisées pour agir sur le Roi. Le nonce accourt de Paris. On sait que Bérulle exerce un ascendant particulier sur l’esprit de Louis XIII. C’est lui qui agira et parlera au nom de tous. Ce courtisan consommé est un fervent, un mystique, un voyant. Il traduit les conseils de Rome en phrases inspirées : « C’est Dieu lui-même qui invite le Roi à ne pas laisser l’œuvre inachevée ; puisque la Providence vient de remettre la paix dans le royaume et dans la maison royale, le Roi doit à Dieu, par reconnaissance, de rétablir le culte des autels et ses ministres dans un pays où l’hérésie a banni depuis soixante ans l’exercice