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correspondances secrètes des réformés entre eux, dans les récits de Bouffard de Madiane : « Les factieux, dit-il, dont le nombre excédoit celui des sages, les uns par zèle inconsidéré, les autres par espérance de profiter du trouble, prirent le frein aux dents… » Il donne le tableau de ces conférences, de ces assemblées où les pacifiques, résistant aux factieux, soutenoient « que les remèdes violens seroient funestes au parti et qu’il falloit se contenir, dans les négociations, avec modération et respect pour obtenir quelque adoucissement. » Ces « enragés, » ces « loups-garous, » il les énumère. C’est, à Montauban, Chamier, « accrédité factieux, » et Berauld, « qui ne se pesoit pas. » Dans le Haut-Languedoc, c’est Voisins et Baulx, « fusils, allumettes de guerre, instrumens très pernicieux de faction, auteurs de grands malheurs tombés sur les pauvres églises, principaux organes de leur ruine et désolation. » Il incrimine aussi, très sévèrement, le député de la noblesse, Fabas, « extrêmement intéressé dans ses affaires, » et d’une vaste ambition, qui compromit la cause dans les plus dangereuses intrigues. Un autre sage, parmi les Réformés, parle des mêmes hommes avec la même sévérité : « Je ne sais quelle conscience et religion peuvent avoir tant de pasteurs que nous avons qui, au lieu de détourner les peuples de tant d’imaginaires appréhensions qu’on leur donne sous mille faux prétextes, les y portent avec fureur. Sans ceux-là, véritablement, les gens de guerre auraient fort peu de pouvoir. Dieu veuille inspirer chacun au bien ! »

De tous les grands seigneurs du parti, un seul pousse les Eglises réformées à la lutte : c’est La Force. Mais il s’agit de sa propre cause : il était furieux de la disgrâce de son fils, Montpouillan ; il craignait de perdre toute influence sur ses coreligionnaires du Béarn. Et, surtout, se tenant très exactement au courant de tout ce que tramait le parti des Grands et de la Reine-Mère, il pensait que l’autorité du Roi était affaiblie pour longtemps et qu’elle était impuissante à se faire sentir dans les lointaines Pyrénées. Il se croyait à l’abri dans ces montagnes et se voyait installé, pour des années, en vice-roi, dans son Béarn, comme Lesdiguières dans son Dauphiné.

Grande fut la surprise de tout le monde quand on apprit que le Roi avait quitté Paris à la tête d’une armée opérant contre le parti de la Reine-Mère, et qu’on reçut, coup sur coup, les nouvelles de ses rapides succès : la Normandie soumise, toutes les