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en 1614, fut une faute. Or, la faute se précise en ce qui concerne les affaires de Béarn : c’était là, en effet, un des points particulièrement douloureux dans un état de malaise général. Les églises de Béarn crurent qu’il était habile de s’unir, en cette occasion, au corps des Réformés de France. Leurs délégués vinrent à Saumur ; ils prirent séance. L’Assemblée décida que « le Béarn, uni depuis le temps de la reine Jeanne avec les églises de France en doctrine, discipline et souffrances pour la même foi, » prendrait part à toutes les délibérations.

Mais, s’il en était ainsi, comment les mêmes Réformés de Béarn pouvaient-ils revendiquer l’autre partie de leur thèse, à savoir que le Béarn, n’étant pas réuni à la couronne de France, n’était pas soumis aux lois générales du royaume ?

Les réformés se disaient Français dans l’offensive et Béarnais sur la défensive. Il eût fallu choisir. On ne manqua pas de leur reprocher une si dangereuse contradiction : « La reine fut fort piquée contre ceux de la Religion du Béarn et leur fit mander que, puisqu’ils avaient des députés à l’assemblée de Saumur, c’était sans doute qu’ils voulaient être unis aux Eglises de France et que, puisque cela était, elle unirait aussi le Béarn à la France. » C’était la logique même. Il est vrai que, pour le moment, ces menaces n’eurent pas d’autre effet.

Mais la faute n’en était pas moins commise. A défaut du gouvernement, ce fut la nation elle-même qui la releva. Elle voulait être une. Aux Etats-Généraux de 1614, les trois ordres et, en particulier, le Tiers-Etat réclamèrent instamment la réunion du Béarn à la France : « En conséquence de Votre déclaration du mois de Juillet 1607, registrée en Votre Cour du Parlement, Votre Majesté est très humblement suppliée déclarer non seulement le royaume de Navarre et principauté de Béarn, mais aussi toutes terres souveraines qui se trouveront appartenir aux Rois lors de leur avènement à la couronne, unis inséparablement à icelle. » On sentait bien Je péril de voir ces pays, frontière de l’Espagne, livrés sans défense et sans surveillance à leurs propres forces ; on n’avait aucune confiance dans la fidélité d’une aristocratie locale turbulente et à demi-indépendante, et enfin, la loi salique ne s’appliquant pas en Navarre et en Béarn, on craignait, en cas de mort du Roi sans héritier direct, de voir ces pays séparés de nouveau de la France à laquelle une circonstance inespérée les avait réunis.