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Nantes, la liberté de conscience et même une situation politique privilégiée dans son royaume de France, il lui était absolument impossible de maintenir les mesures qui interdisaient l’exercice de la religion catholique dans son domaine de Béarn, où, d’ailleurs, la population catholique était, incontestablement, en majorité. Donc, sous l’instante pression de la cour de Rome et du clergé français, le roi avait, comme on disait, « rétabli la messe en Béarn, » et il avait pourvu à l’entretien des deux évêques chargés du gouvernement des deux diocèses. Mais, devant la résistance opiniâtre de ses chers Béarnais, il s’en était tenu là.

Très ennuyé de cette affaire, il faisait tête des deux côtés à la fois. Les évêques le harcelaient et ne quittaient pas la cour ; le clergé de France l’admonestait. Il répondait doucement : « Vous m’avez exhorté de mon devoir ; je vous exhorte du votre : faisons donc bien, vous et moi… Mes prédécesseurs vous ont donné des paroles ; mais, moi, avec ma jaquette grise, je vous donnerai des effets. Je suis tout gris au dehors ; mais je suis tout d’or au dedans. » C’était justement, comme on disait alors, « des paroles dorées. » Et, quand il s’adressait aux parlementaires qui lui reprochaient ses concessions, il leur disait, plus rudement : « Vous n’êtes pas les fils aînés de l’Eglise ; moi, je le suis. »

En somme, il avait légué la difficulté à son successeur.

Là où le roi Henri IV avait échoué, ce n’était pas le gouvernement de Marie de Médicis qui pouvait réussir. La régente subissait notoirement les influences catholiques ; elle n’avait pas les mêmes raisons que le feu roi de ménager la cause des protestans et, en particulier, des Béarnais. Les vieux ministres étaient, il est vrai, expérimentés, concilians, et, avant tout, désireux d’éviter des complications intérieures. Mais leur prudence passait pour de la faiblesse et enhardissait les violences. Au fond, il y avait impossibilité de vivre sur les données de l’Edit de Nantes. Un pays dont l’œuvre principale, la volonté tenace, était de constituer sa propre unité, ne pouvait tolérer, dans son sein, et sur la frontière, une province de fidélité douteuse, n’obéissant qu’à ses chefs particuliers, armée jusqu’aux dents et toujours prête à faire usage de ses armes. La lutte était inévitable.

Ce fut le parti protestant qui prit l’offensive. Tous les historiens sont d’accord pour reconnaître que rassemblée de Saumur,