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Milanais et les Ligues Grises, on prenait celles-ci par la famine. Si bien qu’en l’année 1617, la faiblesse et la négligence du gouvernement du maréchal d’Ancre ayant un instant laissé ces graves questions sans surveillance, le gouverneur du Milanais, au contraire, ne les perdant pas de vue un seul instant, celui-ci avait su obtenir des Grisons un nouveau projet de traité qui livrait à l’Espagne le privilège des passages et celui du recrutement, en échange du simple engagement pris de nouveau par elle de démolir le fort.

Ce fut la répétition de ce qui s’était passé dix ans plus tôt. Le projet fut rédigé ; mais il ne fut jamais ratifié. Les brigues, la cupidité, les passions, les haines agitèrent terriblement ces populations que leur pauvreté et leur séjour même eussent dû mettre à l’abri de ces maux. A partir de 1617, la vie, dans ces vallées, fut intolérable. Bientôt, des signes célestes annoncèrent les catastrophes qui allaient se produire. La fameuse comète de 1618 jeta l’effroi dans les âmes ; la ville de Pleurs, dont le nom parut prédestiné, fut écrasée par une montagne, et pas un de ses habitans n’échappa. Enfin, en mai 1619, les ministres protestans ayant décidé d’instituer une église de la Religion au village de Boatz près de Tell, les passions atteignirent au paroxysme. Protestans et catholiques, Espagnols, Vénitiens et Français, les partisans des diverses factions se subdivisèrent en des partialités atroces : on ne pouvait plus se tolérer. On en vint aux armes. Les catholiques eurent le dessous d’abord. On poursuivit et on exila les deux frères Planta, qu’on accusait d’aspirer à la tyrannie. Avec leurs compagnons ou leurs complices, ils durent se réfugier au Tyrol. Mais là, à l’abri en territoire autrichien, encouragés et stipendiés sous-main par l’Espagne, ils préparèrent leur revanche. Le 9 juillet 1620, les catholiques, commandés par un certain Robustel, pénétrèrent en armes dans la Valteline, par Tiran, et ils parcoururent le pays, d’un bout à l’autre, de l’Est à l’Ouest, en poursuivant et massacrant les protestans. Ce fut une véritable Saint-Barthélémy. Plus de quatre cents personnes périrent ; les familles furent détruites ou dispersées, les temples et les maisons des huguenots brûlés et démolis, les biens confisqués. La Valteline se retrouvait catholique et italienne.

Les Grisons furieux prétendirent la traiter en insurgée. Une armée de 6 000 hommes, commandée par un capitaine hollandais, descendit par la rive du lac de Côme et s’abattit sur la